À l’attaque des organes mous !

N° 340 - Publié le 24 août 2016
© Inserm/P.Latron
Dans la salle TherA-Image, ici pour le traitement d'un anévrisme de l'aorte abdominale, les chirurgiens bénéficient de l'assistance à la navigation endovasculaire (image du centre de l'écran).

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Vaisseaux sanguins et cœur bougent et se déforment. Pendant une opération, Le traitement de ces images est particulier.

À Rennes, c’est dans le domaine de la chirurgie et des interventions cardiovasculaires que chercheurs et cliniciens travaillent main dans la main depuis plus de quinze ans au sein du LTSI(1), laboratoire commun à l’Université de Rennes 1 et à l’Inserm. Et les résultats sont là. L’approche endovasculaire se différencie de la chirurgie dite ouverte, car elle consiste à traiter des pathologies de l’aorte abdominale ou cardiaque en passant par la tuyauterie intérieure : les artères, les veines. Les chirurgiens utilisent de grands tubes de 8 à 9 mm de diamètre au bout desquels se trouvent les dispositifs : valves ou stents à poser à des endroits très précis dans un vaisseau ou un compartiment cardiaque.

Traquer les données non exploitées

Contrairement à l’orthopédie, les organes ici sont mous et déformables, voire carrément en mouvement (cœur) ! Pendant l’opération, le chirurgien a besoin de savoir où se trouve exactement son dispositif pour pouvoir le déposer précisément. L’aide que peuvent lui apporter les outils d’assistance à la navigation par l’image est basée sur le calcul et l’anticipation des déformations des structures anatomiques en temps réel. C’est le rôle de l’algorithme de simulation qui, en plus, doit être spécifique à chaque patient. Pour arriver à ce degré de spécificité, les chercheurs compilent tout un tas d’informations pas toujours exploitées. Les propriétés mécaniques des vaisseaux peuvent, par exemple, être données par les images du scanner : plus dense, une zone de calcification des tissus entraîne une rigidité du vaisseau. Mais aussi par le ressenti du chirurgien pendant l’opération : celui-ci peut rendre compte des interactions entre les outils et les tissus environnant le vaisseau qu’il manipule : près de la colonne vertébrale ou à l’approche de bifurcations, l’artère est plus rigide ; à d’autres endroits, elle est au contraire plus flexible. Traduites en lois mathématiques, ces informations alimentent les modèles des chercheurs.

Un bloc opératoire dédié à la recherche

Ces transmissions d’informations nécessitent une proximité et des échanges permanents entre chercheurs et cliniciens. Le CIC-IT est une structure qui a été imaginée et mise en place à cet effet, au CHU de Rennes, par les chercheurs et les praticiens hospitaliers du LTSI et les services de cardiologie et de chirurgie cardio-vasculaire. L’équipe de recherche Impact(2) du LTSI, composée d’ailleurs de chercheurs, d’ingénieurs et de médecins, mène ses recherches dans ce contexte. Ce travail transdisciplinaire a encore gagné en facilité depuis 2013, date d’inauguration d’un lieu unique imaginé par Pascal Haigron, responsable de l’équipe Impact, et Antoine Lucas, membre de l’équipe et chirurgien au CHU : la plate-forme TherA-Image (photo), qui n’est rien d’autre qu’un bloc opératoire conçu pour la recherche(3). Une salle vitrée accolée au bloc permet d’accueillir les chercheurs qui peuvent tester leurs modèles avec les images acquises en direct pendant l’opération ; et pas après coup. « Ici, les technologies des chercheurs sont confrontées à la réalité du bloc opératoire », souligne Antoine Lucas. Des tests concluants ont déjà été réalisés (lire encadré ci-dessous).

La phase ultime est d’arriver à intégrer l’algorithme dans un logiciel utilisable en routine par les chirurgiens. « Pendant une opération, 90 % de mon attention est focalisée sur mon geste, explique Antoine Lucas. Le logiciel d’aide à la navigation doit donc être ultrafacile à interpréter. » Son expertise associée à celle des chercheurs du LTSI a, cette fois, donné lieu à la création de l’entreprise Therenva en 2007. Dirigée par Cemil Göksu, un ancien doctorant de ce même laboratoire, elle commercialise déjà un logiciel d’aide à la planification des opérations de chirurgie endovasculaire (EndoSize), tandis qu’un second, que les chirurgiens pourront utiliser pendant les opérations, est en attente du marquage CE(4) pour sa mise sur le marché.

Une première mondiale à Rennes

En imagerie médicale (scanner en particulier), des produits de contrastes sont couramment utilisés. Injectés dans le corps, ils permettent de visualiser finement un organe, un tissu et surtout les vaisseaux. À fortes doses ils peuvent être toxiques pour les reins. Grâce aux travaux menés conjointement par les chercheurs et médecins du LTSI sur la fusion d’images pré- et peropératoires en chirurgie endovasculaire (lire article ci-dessus), Adrien Kaladji, chirurgien au CHU de Rennes, a réussi à s’affranchir de ces produits pour le traitement de six patients souffrant d’une insuffisance rénale sévère. Aucun produit de contraste n’a été utilisé avant, pendant ni après l’intervention qui a consisté à traiter des anévrismes de l’aorte par endoprothèses. C’était l’objet de sa thèse soutenue à l’Université de Rennes 1 en juin 2015.

Antoine Lucas
antoine.lucas@univ-rennes1.fr

Adrien Kaladji
adrien.kaladji@chu-rennes.fr
Nathalie Blanc

(1) Laboratoire traitement du signal et de l’image, UMR Inserm - Université de Rennes 1.

(2) Images et modèles pour la planification et l’assistance chirurgicale et thérapeutique.

(3) Lire Chirurgie et recherche : le lien opère dans Sciences Ouest n° 306-février 2013.

(4) Communauté européenne.

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