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Des géraniums in vitro

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Les parterres de géraniums, un calvaire fleuri, signalent l'arrivée au bourg de Trégomeur, près de Saint-Brieuc. C'est le fief de la famille Laperche, qui depuis 3 générations cultive et vend les produits de la terre, du légume à la fleur.

Jean-Michel Laperche est gérant de Géraflor et son frère Olivier est responsable de la production : "Notre grand-père était maraîcher, il s'est mis à "faire de la fleur" en prévision de sa retraite, qu'il espérait mettre à profit pour fleurir son jardin et ceux de ses quatre enfants, tous maraîchers comme lui." Peu à peu, l'activité fleur s'est développée aux dépens des légumes. "C'est un métier très différent, et il est difficile de rester performant dans les deux domaines : ce ne sont pas du tout les mêmes technologies." Voilà comment les établissements Laperche deviennent Géraflor : 35000 m2 de serres, pour produire du géranium au printemps, du chrysanthème et du cyclamen à l'automne. Les serres sont réparties sur trois sites et un quatrième est en projet, " près d'une usine d'incinération de déchets, dont nous récupérerons la chaleur pour chauffer nos serres. " L'entreprise emploie trente salariés et compte réaliser, pour cette année, un chiffre d'affaires de 15 millions de francs.

Un pied dans la recherche

" Nous n'avions pas les compétences suffisantes pour nous lancer dans la création de nouvelles variétés de géraniums, notre production principale. Avec l'aide du programme Britta, nous avons pu monter un laboratoire de recherche et recruter un ingénieur agricole, un ingénieur agronome à mi-temps et une technicienne supérieure. " Une collaboration pour l'amélioration du géranium est mise en place avec l'Inra (1), qui étudie la résistance aux maladies, et avec le GIP Bretagne biotechnologie végétale (BBV), à St-Pol-de-Léon (29), qui expérimente la culture de microspores, pour tenter de pallier à la stérilité naturelle du géranium.

L'action menée avec l'aide de Britta concerne le sauvetage d'embryon (voir encadré), qui a permis de créer, et de stabiliser, cinq nouvelles variétés particulièrement décoratives. "Nous essayons maintenant de les promouvoir auprès de nos clients, principalement des grossistes et des horticulteurs, et de nous faire connaître non plus seulement comme producteurs, mais aussi comme créateurs." Si l'épisode Britta est bien terminé, pour l'entreprise familiale, l'aventure continue : les structures de recherche sont en place et mettent au point, chaque année, de nouvelles variétés de géraniums.

Une carte d'identité génétique

En devenant créateurs, les frères Laperche ont découvert un nouveau souci : celui de protéger leur oeuvre. "Pour les pommes de terre, il existe une identification obligatoire de chaque variété à partir de ses protéines, ce qui permet de détecter les falsifications. Avec les ingénieurs du GIP de St-Pol-de-Léon, nous voulons faire la même chose pour les géraniums, mais en utilisant les gènes comme caractéristiques."

L'innovation n'est donc pas un accident pour la famille Laperche : Géraflor a même mis au point un conditionnement adapté à la livraison de plantes en pots ou en godets : ces chariots en aluminium, une fois vides, se plient et s'encastrent les uns dans les autres pour gagner du volume, et donc diviser par trois le prix de leur récupération après livraison.

H.T.


Le sauvetage d'embryons

Il n'existe pas de lignée pure de géranium : seul le bouturage permet de reproduire un plant à l'identique. Géraflor cultive elle-même ses plants-mères de géraniums, à partir desquels seront prélevées 30 à 80 boutures par pied. Pour créer une nouvelle variété, il faut croiser deux plants, un plant mâle (dont on prélève le pollen) et un plant femelle (dont on a préalablement enlevé les étamines, porteuses des organes mâles). Les fécondations (pollinisations) donnent lieu à la naissance de plusieurs centaines d'embryons, mais ceux-ci ne survivent que dans 10 % des cas. "C'est le lot de toutes les fleurs, soumises à la dure loi de la sélection naturelle : seule une petite partie des embryons est autorisée à se développer, pour la survie de l'espèce."

La nouvelle technologie développée dans le cadre du programme Britta, consiste à prélever les embryons avant qu'ils n'avortent sur la plante qui les porte. Ces embryons sont placés en éprouvette, dans laquelle ils se développent normalement, avant d'être plantés en terre. Ce passage en éprouvette permet de récupérer la quasi-totalité des embryons mis en tubes. En signe de reconnaissance, Géraflor a baptisé "Britta" la collection des 5 nouvelles variétés créées par cette technique : "Morgane, Viviane, Guenièvre, Arthur et Merlin sont des Pelargonium hedaefolium , c'est-à-dire des géraniums-lierres à fleur double. Nous voulons leur donner de nouvelles couleurs, comme le rouge, tout en conservant une tige vigoureuse, et une bonne aptitude à fleurir".

Rens : Olivier Laperche , tél. 02 96 79 31 70, fax 02 96 79 30 02

(1) Inra : Institut national de recherche agronomique