L'extraordinaire histoire de Laïka...

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Laïka dans l'habitacle de la capsule de Spoutnik 2

Le 3 novembre 1957, la chienne Laïka est devenue le premier être vivant à aller dans l'Espace.

La chienne Laïka a été envoyée par l'URSS à bord de l'engin spatial Spoutnik 2, un mois à peine après le lancement du premier satellite artificiel Spoutnik 1. Le succès de Spoutnik 1 ayant été considérable, les soviétiques désiraient franchir un nouveau pas : envoyer un être vivant dans l'Espace ! Nikita Khrouchtchev imposa rapidement le lancement d'un second engin et il désirait vivement que le 7 novembre puisse être une date possible afin de commémorer ainsi le 40e anniversaire de la révolution bolchevique. Sergei Korolev, chef du programme spatial, lui signala alors qu'il était impossible d'être prêt avant le mois de décembre. Mais, Khrouchtchev, qui voulait impressionner les Américains, insista et sur ses ordres, dans l'urgence et sans véritable test de fiabilité, la construction de Spoutnik 2 fut effective en quatre semaines seulement. Une précipitation qui allait s'avérer fatale pour Laïka puisque dés le départ du projet il était convenu qu'ils ne pourraient pas la récupérer.

À l'époque, un autre satellite appelé Spoutnik 3, bien plus sophistiqué que Spoutnik 1, était déjà à l'étude, mais il était impossible qu'il puisse être prêt avant décembre.



Spoutnik 2

Laïka était une petite chienne bâtarde d'environ trois ans et pesant environ 6 kg trouvée dans les rues de Moscou. Le personnel qui s'occupait d'elle lui avait donné plusieurs noms et surnoms, parmi lesquels « Koudryavka » (qui signifie : petite boucle ou peu bouclé »), « Zhoutchka » ou « Limontchik ». Mais comme « Koudryavka » était trop difficile à prononcer pour des non soviétiques, le choix s'est porté sur le nom Laïka. Ce mot russe signifie « aboyeur » et il est également un nom désignant des chiens bâtards ressemblant à un husky. Cet animal était extrêmement calme et d'une très grande docilité, c'est d'ailleurs pour ces raisons qu'elle avait été repérée. Son véritable pédigree est bien évidemment inconnu, mais il est quasi certain qu'il s'agisse d'un croisement entre un husky (ou autre race nordique) et un terrier. La presse américaine l'avait surnommée Muttnik (« mutt » signifie « chien bâtard » + le suffixe -nik), calembour de Spoutnik ! ou l'appelait « Curly » pour bouclé. Cette chienne errante ne fut pas sélectionnée seule mais avec deux autres chiennes, Albina et Mouchka (Albina vola deux fois sur un missile lors de tests en haute-altitude, et Mouchka fut utilisée pour tester l'instrumentation et l'équipement autonome de survie). Les trois participaient à des tests en vue des vols spatiaux de Spoutnik 2.

Pourquoi le choix s'est-il porté uniquement sur des chiennes ?

Tout simplement pour une raison pratique : une chienne n'a pas besoin de lever la patte pour uriner et de ce fait, elle nécessite moins de place qu'un mâle dans une cabine !

La chienne Laïka

Spoutnik 2 ressemblait beaucoup à Spoutnik 1 avec une capsule sphérique et des différents compartiments destinés aux appareils électriques, mais il était doté en plus d'une cabine pressurisée spécialement conçue pour accueillir la chienne. Cette capsule était dotée d'un équipement autonome, produisant du dioxygène et fournissant de la nourriture à l'animal. De nombreux appareils et capteurs y étaient installés afin de pouvoir mesurer la température et la pression de l'habitacle mais également pour contrôler la pression sanguine et le rythme cardiaque de l'animal pendant le vol.

 



Spoutnik 2 avait la forme d'un cône de 4 mètres de hauteur avec une base de 2 mètres de diamètre et pesait 508 kg. Il fut lancé également du Cosmodrome de Baïkonour par un lanceur R-7 BK71PS « Zemiorka ».

Le scientifique russe Oleg Gazenko sélectionnait et entraînait les chiens. La capsule pressurisée de Spoutnik ne mesurait que 80 centimètres de long, aussi pour les habituer petit à petit au confinement d'une telle cabine exiguë, les chiens étaient maintenus dans des cages de plus en plus petites. De telles périodes pouvaient durer plus de vingt jours. Les chiens étaient placés dans une centrifugeuse pour simuler l'accélération au lancement de la fusée, ainsi que dans des machines bruyantes imitant les bruits à bord d'un vaisseau spatial et ils devaient résister à de nombreuses vibrations. Il fallut également les habituer à consommer un gel nutritif, seule nourriture dans l'Espace, une gélatine issue du collagène de tissus animaux mélangée à une base de viande, de pain en poudre et de graisse.

 

Il leur fallut apprendre également à supporter une combinaison de « cosmonaute » tout spécialement créée pour la gente canine. Cette combinaison, laissant passer la tête, les pattes et la queue, était reliée à des courroies fixées aux parois capitonnées de Spoutnik. La chienne ne pouvait guère se lever ou se coucher. A l'arrière de sa combinaison, il y avait un réservoir de caoutchouc qui recueillait l'urine et les excréments.



Laïka dans l'habitacle de la capsule de Spoutnik 2

Laïka fut installée dans la capsule de Spoutnik 2 le 31 octobre 1957, mais le lancement n'eut lieu que le 3 novembre 1957. Elle fut lavée soigneusement et désinfectée aux endroits où se trouvaient installées les électrodes. Laïka était sous haute surveillance ! De nombreux fils émanant de son costume devaient informer les scientifiques de son rythme cardiaque, de sa fréquence respiratoire, de ses activités motrices et de sa pression artérielle. Une caméra et un émetteur radio permettaient, au travers d'un hublot de verre, d'observer ses faits et gestes. Évidemment, d'autres instruments de mesure calculaient la température de la cabine ainsi que la pression atmosphérique. Des spectromètres évaluaient l'émission de rayons X et d'ultraviolets émis par le Soleil.

Lors de la montée de la fusée, alors que la vitesse atteignait près de 28,800 km/heure, le rythme cardiaque de Laïka subit une très forte augmentation : avant le décollage, il était de 103 pulsations par minute et après, il passa à 240 par minute ! Selon un rapport d'Alexandre Tochlev, secrétaire de l'Académie soviétique des sciences, lors du décollage où le bruit fut assourdissant et la vibration extrême, Laïka commença à haleter furieusement. Désemparée et stressée, elle gigota énormément, tandis que le rythme de son cœur augmentait considérablement. Lors de la période d'accélération, elle se retrouva plaquée au sol de sa cabine.



Une fois en apesanteur, il lui a fallu trois heures pour retrouver son rythme normal, soit trois fois plus que lors des essais au sol ! On imagine aisément le stress énorme et la panique qui furent alors les siens en se retrouvant ainsi seule dans une telle situation.

Tout de suite après sa mise en orbite, le satellite ne se sépara pas des réacteurs comme il était prévu, ce qui entraîna de graves problèmes de régulation thermique. Au bout de quatre à cinq heures de vol, ils constatèrent une dramatique hausse de la température à l'intérieur de l'habitacle (41°C). Comble de malheur, et surtout à cause d'un manque de planification, la capsule ne possédait aucune protection contre les radiations solaires, ce qui augmenta encore plus la chaleur.

Laïka n'a plus donné aucun signe de vie à compter de la cinquième heure et on n'enregistra plus aucune donnée. Elle est morte bien avant que ses réserves en oxygène aient été épuisées. Tout laisse à penser qu'elle mourut après être tombée dans le coma, non sans avoir atrocement souffert de la chaleur et de déshydratation. Cette augmentation de température est donc responsable de son décès ainsi qu'un trop grand stress.

Pourtant,  la version officielle longtemps donnée par le Kremlin fut que la chienne était morte par un poison mélangé à sa nourriture afin de ne pas la faire souffrir lors du retour dans l'atmosphère. Mais cette excuse restait politiquement correcte car on préféra alors ménager l'opinion publique qui s'indignait ! En effet, lorsqu'il fut annoncé après le lancement de Spoutnik 2 dans les médias de l'époque que la chienne n'avait de l'oxygène et de la nourriture que pour dix jours et que l'on n'envisageait aucun retour, le public fut outré. Ce fut le début d'une prise de conscience et de manifestations pour le respect des animaux dans les expériences scientifiques.

Ce n'est qu'en 1998 que le responsable de la mission, Oleg Gazenko, émit des regrets concernant  la mort de la chienne jugée inutile au regard des enseignements tirés. Et en 2002, lors du « World Space Congress » qui se déroulait à Houston, la vérité éclata lorsque le docteur Dimitri Malashenkov (de l'institut russe des problèmes biomédicaux) révéla les réelles causes de la mort de Laïka.

Spoutnik 2 se désintégra cinq mois plus tard, le 14 avril 1958, dans l'atmosphère après 2570 révolutions autour de la Terre. Les altitudes initiales du périgée et de l'apogée de l'orbite étaient de 200 et de 1600 kilomètres environ. Comme le satellite effectuait une révolution en 104 minutes, la dépouille de Laïka aura parcouru une distance d'environ 100 millions de kilomètres avant de se consumer dans l'atmosphère, 163 jours après son lancement.

Spoutnik 2 est retombé dans l'atmosphère terrestre le 14 avril 1958 au-dessus des Antilles. Ces photos prises par un astronome amateur, exceptionnelles pour ne pas dire uniques, représenteraient les 15 ultimes secondes de l'existence du satellite et de sa passagère, morte depuis 5 mois.

Les ellipses bien visibles sur le document de droite montrent les rotations que le satellite effectuait sur lui-même pendant sa descente.

Toutefois, en  étudiant ainsi les effets d'un vol orbital sur un organisme vivant, cette expérience apporta aux soviétiques les renseignements nécessaires pour envisager des vols pilotés par des humains.

L'URSS lança en tout dix satellites Spoutnik.

Le dernier Spoutnik 10 fut lancé le 25 mars 1961 depuis Baïkonour, ce fut le cinquième et dernier vol test pour le programme « Vostok » (vols habités). Cet engin transportait un mannequin nommé Yvan et la chienne « Zvezdochka » (signifiant petite étoile). Le retour, après 17 révolutions orbitales, fut un succès.

Des 13 chiens utilisés dans les vols spatiaux soviétiques entre 1957 et 1966, seule Laïka aura été envoyée sciemment dans l'Espace sans aucun espoir de retour à cause des délais trop courts imposés par Khrouchtchev pour effectuer la mise au point et la construction de Spoutnik 2.

 

 

Autres chiennes cosmonautes ...



Belka et Strelka

Les deux chiennes « Belka » (écureuil) et « Strelka » (petite flèche) furent envoyées ensemble une journée dans l'Espace à bord de Spoutnik 5, le 19 août 1960. Il y avait également à bord un lapin, quarante souris, deux rats, des mouches et même plusieurs plantes et champignons. Tout ce petit monde est revenu sain et sauf sur Terre après 18 orbites de 107 minutes. C'était le premier vol spatial qui ramenait ses occupants vivants.

Quelques mois après son voyage dans l'Espace, la chienne Strelka donna naissance à six chiots. L'un d'eux fut nommé « Pushinka »(signifiant « quelque chose de duveteux ») et choisi pour être offert par Khrouchtchev à Caroline, la fille du président John Kennedy. Mais, il fallut d'abord que le FBI vérifie scrupuleusement, après une enquête et une fouille minutieuse, si des micros n'avaient pas été cachés à l'intérieur du chiot ! De plus, ils durent contrôler par des tests médicaux que l'animal n'était pas porteur de germes destructeurs !! On craignait que le chien ne soit un espion !

Verebok et  Ugolyok

« Verebok » (Petite brise) et « Ugolyok » (Petit morceau de charbon) ont été envoyés le 22 février 1966 à bord de Cosmos 110. Ils ont passé 22 jours en orbite avant d'atterrir le 16 mars. Ce record de durée de vol a été égalé par l'équipage de Soyouz 11 en juin 1971 mais malheureusement ce dernier périt à l'atterrissage. Il a été dépassé ensuite par les astronautes de Skylab 2 en juin 1973 : 28 jours. Il demeure toujours à ce jour la durée la plus longue d'un vol canin dans l'Espace. De retour sur Terre, le premier animal perdit tous ses poils rapidement et mourut peu après. Un trop grand stress en était-il la cause ? Le second, en revanche, est revenu en pleine forme, déployant une énergie sexuelle bien au-dessus de la normale  selon les scientifiques. Il a fini au musée de l'IBMP (Institut des problèmes biomédicaux) à Moscou, en remerciement de sa contribution !)