Le rôle complexe des hormones

N° 291 - Publié le 13 octobre 2011

Loin d’être seules en cause, les hormones ont un rôle majeur Dans la différenciation sexuelle. Gare aux perturbations !

Dans son laboratoire situé sur le campus de l’Université de Rennes1(1), Olivier Kah travaille sur des poissons zèbres, de quelques centimètres. Avec son équipe « Neurogénèse, aromatase et oestrogènes », le neurobiologiste vient de terminer une série d’expériences qui a duré plusieurs mois : il a testé l’effet de plusieurs dizaines de molécules de synthèse présentes dans l’environnement.

« Ces résultats doivent nous alerter »

Les résultats montrent qu’une grosse moitié d’entre elles sont capables, à des degrés divers, de mimer au niveau du cerveau en développement, les effets d’une hormone sexuelle, l’oestradiol. « Au-delà de leur aspect fondamental, ces résultats doivent nous alerter », note Olivier Kah. D’une part, parce que ces substances à effet oestrogénique entrent dans la composition de certains pesticides, fongicides ou plastiques (le bisphénol A dans certains biberons) avec lesquels nous sommes en contact dans notre environnement quotidien. D’autre part, parce que ces molécules se retrouvent au final dans les eaux de surface (cas des résidus de pilules contraceptives, par exemple), voire les eaux de consommation. Même s’il s’agit de faibles doses, on ne connaît pas l’impact d’expositions répétées à ces cocktails d’hormones, notamment lors de phases clés du développement, telles que la différenciation sexuelle.

Des périodes de forte sensibilité

Les mammifères, dont l’homme, présentent des phases de forte sensibilité aux hormones lors d’une période dite “critique” qui couvre une partie de la vie foetale et les premiers stades qui suivent la naissance. Le cas du distilbène en est malheureusement un exemple probant. Les conséquences de l’action de cet oestrogène puissant (prescrit abondamment entre les années 40 et 70 aux femmes pendant leur grossesse pour éviter les risques de fausses couches) sont visibles aujourd’hui sur leurs filles, directement exposées avant la naissance. Ces dernières présentent des risques accrus de malformations des organes génitaux, de stérilité ou de certains cancers. Chez les garçons, on note une incidence accrue de cas de malformation de l’urètre (hypospadie), de nondescente des testicules (cryptorchidie) et une augmentation modérée de la fréquence des cancers testiculaires. Chez l’homme, seules des expositions accidentelles, comme celle au distilbène, des dérèglements hormonaux ou des malformations génétiques permettent d’évaluer les effets précoces des hormones. D’où l’intérêt d’expériences chez l’animal, comme celles menées sur le poisson zèbre, pour faire progresser les connaissances.

Nathalie Blanc

(1)UMR 6026 CNRS/Université de Rennes1 - Interactions cellulaires et moléculaires (ICM).

Olivier Kah Tél. 02 23 23 67 65
65olivier.kah [at] univ-rennes1.fr (olivier[dot]kah[at]univ-rennes1[dot]fr)

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