Télévision : devenez connectés !

N° 295 - Publié le 13 février 2012
© AFP

Production, diffusion, réception... La connexion à Internet enrichit et complexifie le monde de la télévision.

La télécommande dans une main, prêt à changer de programme sur la télévision, le smartphone dans l’autre et une tablette sur les genoux, l’homme du 21e siècle n’est plus un téléspectateur tranquille : entouré d’écrans de toutes tailles, il s’est mué en internaute et en consommateur frénétique de vidéos ! La télévision n’en est plus le seul pourvoyeur. Leur consultation sur Internet représente plus de 80% du trafic et les vidéonautes sont près de 40 millions.

« Le monde de la télévision n’est plus linéaire, entame Jean-François Jézéquel, cofondateur de Challenge2Média, une société de conseils dans le domaine du numérique. Cela a commencé avec la télévision diffusée via les réseaux des fournisseurs d’accès à Internet, l’IP-TV. Ces acteurs se sont mis à proposer de nouveaux services sans passer par les opérateurs de télévision classiques grâce aux fameuses “set top box”. Et puis consommer des contenus vidéo est devenu possible en connectant directement la télé via un câble éthernet ou par l’intermédiaire des consoles de jeux. » Enfin, d’autres grands noms venus directement de la toile, comme Google et Apple, ont aussi commencé à approcher la télé. Le service le plus couramment développé est celui de la vidéo à la demande (VOD). La plupart du temps, il est complètement déconnecté du flux de la télévision, c’est-à-dire non maîtrisé par les chaînes. Celles-ci ont mis du temps à comprendre l’intérêt de produire une nouvelle offre pour Internet.

Le réveil des chaînes

La télé connectée à Internet, TDF y réfléchit pourtant depuis le début des années 2000 ! Opérateur du réseau hertzien, depuis plus de 50 ans que la télévision existe, Télédiffusion de France, devenu TDF, a grandi avec son temps. D’abord diffuseur pour la radio et la télévision, l’entreprise est ensuite également devenue opérateur de télécommunication (grâce à son maillage d’antennes en points hauts). Puis opérateur de services audiovisuels sur Internet. « Jusqu’à présent, le marché n’était pas mûr. Les téléviseurs n’étaient pas assez performants et les usages n’étaient pas là, souligne Jean-Paul Bernoux, chef de projets à la direction technique du centre de Rennes. Mais techniquement, nous étions prêts : pour nous, l’interaction entre la télévision diffusée et Internet ne commence pas au niveau du téléviseur. Elle est prévue bien en amont, dès l’émission du signal TNT. Celui-ci contient non seulement les programmes audiovisuels produits classiquement par la chaîne, le broadcast, mais également des données que le téléviseur va stocker et n’utiliser que si le téléspectateur lance le service. Il peut alors avoir accès à des applications ou à des vidéos par le broadband qui est la voie connectée du téléviseur. »

Pour que ce dernier puisse recevoir ces informations supplémentaires, une nouvelle norme européenne, HbbTV(1), a été créée il y a deux ans. En France, elle est soutenue par un regroupement de professionnels de la télévision(2), le CSA(3) et le ministère de l’Industrie. L’offre de télévision connectée
de la TNT vient ainsi s’ajouter à celles qui existent déjà via les “set top box” et permet aux chaînes de reprendre la main sur les contenus.


plateau tv
© AFP-PIERRE VERDY - Service de news, guides de programme, vidéo de rattrapage... après les fournisseurs d'accès à Internet, les chaînes de télévision se sont aussi mises à produire des contenus dédiés à la télévision connectée.


Appuyez sur le bouton rouge !

Des téléviseurs acceptant cette norme sont commercialisés depuis plusieurs mois et des chaînes comme France Télévision, M6, Arte, NRJ12 produisent des contenus depuis cet été. Ils sont accessibles via un “bouton rouge” de la télécommande, déjà adopté en Angleterre. « C’est lui qui lance le contenu interactif, produit par les chaînes via la TNT, ou récupéré sur Internet quand il s’agit de données plus locales comme la météo, par exemple. L’offre est pour l’instant relativement classique : service de news, guides de programme, TV de rattrapage (Catch-up TV). Mais des services plus originaux devraient voir le jour d’ici le printemps », note Jean-Paul Bernoux. Grâce à la TNT 2.0. Et c’est encore à Rennes que cela se passe.

« Nous avons mis au point une plate-forme Internet dédiée à la télé connectée pour enrichir l’offre déjà proposée, explique David Vincent, en charge du projet. Possibilité de regarder une émission en léger différé si on a raté le début, de suivre un événement en direct toute une journée (télé événementielle) comme les
24 Heures du Mans, de voter en direct ou même de réaliser un achat. » Ces services, qui intégreront la fameuse norme HbbTV citée plus haut, devraient arriver jusqu’aux consommateurs sous le label TNT 2.0 en avril ou mai prochains, soutenu par un plan de communication des acteurs du marché.

Des boîtes incontournables

La télévision du futur, celle vers laquelle les constructeurs et les opérateurs nous emmènent, rapatriera donc tous les services qui transitent actuellement par les box, et même plus, directement dans le téléviseur ! « C’est clairement l’avenir, affirme Erwan Nédellec responsable technique des projets télé connectée chez Orange, même pour nous, cela pourrait simplifier les choses à terme. » Depuis 2009, l’opérateur historique s’est positionné sur le secteur, en concluant des accords avec des constructeurs comme LG ou Samsung. Le service d’Orange - un guide TV plus développé que celui de la TNT classique, une application pour suivre les dernières sorties cinéma, une chaîne sport, un service de radios et de podcasts Internet... - est directement intégré à la télévision, tout comme certaines applications sont déjà installées sur votre smartphone tout neuf. « Mais la disparition des box n’est pas pour demain, tempère-t-il, aujourd’hui la télé connectée ne peut offrir qu’un complément. » Pour des raisons de qualité. « La télévision sur IP, celle qui passe par les box, transite par un canal dédié qui assure une fluidité. Celle-ci est plus aléatoire pour les vidéos “over the top”, qui arrivent sur votre télé via le Web classique. » Mais aussi parce que le marché est hyperfragmenté et l’implantation lente. « Les constructeurs ne parviennent pas à uniformiser leur solutions techniques. Ils y viendront sûrement, mais ils ont peur de ne plus se démarquer les uns des autres. Et les utilisateurs ne changent pas de téléviseur comme ils changent de téléphone. On estime que le temps de renouvellement du parc est de sept ans. Il en faudra au moins autant pour qu’émerge un équipement banalisé. »

Taper un mail avec une télécommande ?

Quand bien même, avez-vous déjà essayé de taper un mail, ou même l’adresse d’un site Web à l’aide d’une télécommande ?

« Depuis 2011, les constructeurs intègrent un navigateur Internet, mais jusqu’à présent, nous avons toujours besoin d’un clavier pour en faire bon usage ! Et la télévision reste un objet familial. Il n’est pas certain que l’on navigue sur Internet comme devant son ordinateur privé. Il faudra une rupture d’usage, comme celle amenée par Apple pour l’usage d’Internet sur le téléphone. »

En attendant l’arrivée de cette petite révolution, les mots du moment des ingénieurs de R&D sont “everywhere” et “multidevice”. L’idée, c’est de combiner les smartphones, les tablettes, les télécommandes, avec la télévision  et de profiter des services offerts par la télé connectée et la box. « Il y a des recherches, par exemple, pour accéder aux services des box sur une télé connectée via le réseau domestique. Cela permettrait d’avoir plusieurs télévisions pour une seule box. Mais prédire l’avenir est un exercice difficile : en 2009, les tablettes n’existaient presque pas, depuis Noël dernier, elles sont devenues incontournables ! »

Deux univers en fusion

 « Certains prévoyaient une bataille entre ordinateur et télévision qui se solderait par une extermination de cette dernière, reprend Jean-François Jézéquel. C’est en fait une fusion qui s’opère : d’un côté la télé s’ouvre à des contenus jusque-là seulement disponibles sur Internet. De l’autre, les vidéos visionnées essentiellement sur ordinateur ou smartphone doivent aujourd’hui s’adapter au grand écran, et notamment à la haute définition. Car ce que l’internaute accepte sur son ordinateur : temps de latence, interruption..., il ne l’acceptera pas sur sa télévision. »

La télévision rejoint ainsi les mondes bouillonnants et interconnectés de l’Internet et de la téléphonie. Mais s’endormir devant reste toujours possible !

La modulation bretonne irradie

Spécialisée dans la mise en forme du signal de la télévision numérique terrestre (TNT) pour une transmission hertzienne ou par satellite, la société Teamcast a été primée lors d’un salon international pour l’industrie de la télévision en septembre dernier. L’industriel breton, basé à Saint-Grégoire, au nord de Rennes, s’est fait remarquer pour le déploiement rapide du premier réseau DVB-T2 d’envergure nationale, sur une seule fréquence (mode SFN), en Finlande.

DVB-T2 est une norme de diffusion hertzienne de dernière génération en cours de déploiement en Europe, Afrique et Asie qui offre plus de robustesse, de débit et de couverture que sa petite sœur : DVB-T. Mais comme elle, elle est compatible avec la norme Hbb-TV qui permet de connecter la TNT à Internet (lire l'article). DVB-T2 permettra, par exemple, de généraliser la diffusion en haute définition (HD), via la TNT.

Les Français devront cependant attendre quelques années pour bénéficier de cette qualité car les politiques de déploiement ne sont pas les mêmes d’un pays à l’autre et la France, comme l’Allemagne, vient juste d’intégrer la norme DVB-T.

Nathalie Blanc
Teamcast
Tél. 02 23 25 26 80
www.teamcast.com
Nathalie Blanc / Céline Duguey

(1) HbbTV : Hybrid Broadcast Broadband Television.
(2) Le HD forum rassemble des éditeurs de contenus, des opérateurs, comme TDF, et des industriels dans le domaine de la télévision.
(3) CSA : Conseil supérieur de l’audiovisuel.

Jean-François Jézéquel
jezequel [at] challenge2media.com (jezequel[at]challenge2media[dot]com)

Jean-Paul Bernoux Tél. 02 99 28 74 34
jean-paul.bernoux [at] tdf.fr (jean-paul[dot]bernoux[at]tdf[dot]fr)

Erwan Nédellec
erwan.nedellec [at] orange.com (erwan[dot]nedellec[at]orange[dot]com)

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