Les fonds côtiers à découvert

N° 299 - Publié le 13 juin 2012
© Xavier Caisey - Ifremer
Fond caillouteux peuplé d'ophiures.

Un réseau scientifique national a été créé pour étudier et surveiller les fonds marins côtiers. La Bretagne est pilote.

Partir à la découverte des fonds marins en bottes à quelques mètres de la côte... Cela fait moins rêver que de s’embarquer à bord d’un navire océanographique direction l’autre bout du monde pour plonger dans les abysses ! Dans les années 60 et 70, des chercheurs universitaires ont tout de même entrepris d’importants travaux pour étudier les fonds marins des différentes façades maritimes de notre territoire. Cependant, à partir des années 80, aidée par le développement des techniques de plongée, comme les submersibles, la beauté mystérieuse et attractive des fonds abyssaux a pris le dessus côté recherche, relayée, côté grand public, par de nombreux reportages télévisés...

On foule pourtant les fonds marins dès la plage. Sur cette zone que l’on appelle l’estran, tour à tour couverte et découverte par la mer, qui abrite des espèces bien particulières, capables de vivre dans et hors de l’eau. Exposée à l’activité de l’homme, elle est, ainsi que les fonds marins côtiers de manière générale, extrêmement sensible. Avec l’accroissement des pressions sur le littoral et l’évolution de la réglementation relative aux études d’impacts, des études de référence, comme celles liées au développement des centrales nucléaires ont bien été menées, mais aucun programme d’actions concertées ne voit le jour...

La goutte de pétrole de trop

Puis survient le naufrage de l’Erika en décembre 1999. Comme la goutte de pétrole qui fait déborder le vase ! « Cette catastrophe a été un levier, rapporte Dominique Hamon, chercheur Ifremer Brest(1). Elle a permis une prise de conscience d’un besoin de connaissances sur les espèces et les habitats côtiers. » Avec une collègue, Brigitte Guillaumont, et leurs partenaires bretons des universités et des stations marines, ils se mobilisent pour trouver un mode d’action qui se concrétise par la création du réseau benthique, le Rebent « à l’image d’autres réseaux qui existaient déjà comme le réseau phytoplanctonique, le Rephy, ou le réseau microbiologique, le Remi », explique Dominique Hamon.

Beaucoup de besoins

Envisagé à l’échelle nationale, le Rebent devient opérationnel en 2003 et la Bretagne est désignée région pilote. « Nous avions imaginé ce réseau comme un outil nécessaire à l’acquisition d’un certain nombre de connaissances fondamentales, qui pourraient servir ensuite dans différents domaines : la recherche, l’aménagement et la gestion du littoral... », poursuit le chercheur. Mais des besoins opérationnels émergent rapidement : à la fois ressources vivantes, habitats ou milieux, l’eau et les fonds de la frange côtière se retrouvent sous les feux croisés de différentes réglementations. Parmi elles, la Directive cadre sur l’eau (DCE). Transposée en droit français en 2004, elle vise à faire respecter un bon état écologique et chimique des eaux européennes. Depuis 2010, un nouveau texte est entré en vigueur : la Directive cadre stratégique pour les milieux marins (DCSMM) est une sorte de DCE étendue. Parallèlement, la politique européenne de préservation de la biodiversité s’appuie sur les sites Natura 2000 marins (créés en 2007). La Bretagne en compte près de trente (lire ci-contre).

Trois approches complémentaires

Coordonné depuis 2008 par Touria Bajjouk, chercheur dans l’équipe Applications géomatiques de l’unité Dynamiques de l’environnement côtier d’Ifremer Brest, le Rebent Bretagne mobilise moins de dix personnes en équivalent temps plein, réparties dans différentes structures partenaires(2). En plus des missions citées ci-dessus, il parvient à rester dans une dynamique globale - celle d’acquérir des connaissances de base - et fonctionne selon trois niveaux d’intervention : menée sur le littoral, la cartographie spatiale continue, en particulier des grandes entités végétales, est réalisée à partir de données anciennes et issues de la télédétection. Elle permet, par exemple, de repérer facilement des herbiers de zostères. Le deuxième niveau est une approche sectorielle qui vise à cartographier les habitats benthiques dans les zones interditales (estrans) et subtidales (immergées) sur une vingtaine de sites de références répartis tout autour de la Bretagne (lire p.16-17). Commencée en 2004, l’approche stationnelle consiste enfin à réaliser un suivi annuel de la biodiversité de différents peuplements des fonds rocheux et des fonds meubles... (lire p.10-13).

Une échéance en 2013

Lors de journées organisées en octobre 2010, les partenaires du Rebent ont présenté les résultats de plusieurs années de travaux, pour la plupart accessibles sur le site Internet du réseau(3). Le 11 mai dernier, ils étaient réunis à Rennes pour commencer à réfléchir à l’avenir du réseau et aux futures perspectives de recherche - car le Rebent Bretagne est financé dans le cadre d’un contrat de plan État-Région pour la période 2007-2013 et par des fonds européens (Feder). « Nous sommes aussi financés indirectement par la Dreal(4) et par l’Agence de l’eau Loire-Bretagne dans le cadre de projets précis, poursuit Touria Bajjouk. Peut-être que d’autres institutionnels nous rejoindront. » Le début d’une longue réflexion pour continuer à faire la lumière sur les fonds marins côtiers.

Nathalie Blanc

(1)Équipe Benthos de l’unité Dynamiques de l’environnement côtier.

(2)Ifremer, Centre d’étude et de valorisation des algues (Ceva), Institut universitaire européen de la mer (IUEM), Stations biologiques de Concarneau, Dinard et Roscoff.

(3)www.rebent.org.

(4)Dreal : Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement.

Dominique Hamon Tél. 02 98 22 44 70
dominique.hamon [at] ifremer.fr (dominique[dot]hamon[at]ifremer[dot]fr)

Touria Bajjouk Tél. 02 98 22 41 56
touria.bajjouk [at] ifremer.fr (touria[dot]bajjouk[at]ifremer[dot]fr)

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