Ils étudient les roches de Mars

Actualité

N° 302 - Publié le 5 octobre 2012
© NICOLAS GUILLAS
Le rover s'est posé ici ! Les scientifiques Nicolas Mangold (à gauche) et Stéphane Le Mouélic participent à l'expédition martienne.

Magazine

4301 résultat(s) trouvé(s)

Embarqués dans l’aventure du robot Curiosity, deux scientifiques nantais étudient les roches de Mars au laser.

« Ces derniers jours ont été d’une telle intensité ! Je n’avais jamais vécu ça. » Nicolas Mangold, directeur de recherche CNRS, est géologue et planétologue au LPGNantes(1). Visiblement épuisé, mais enthousiaste, il revenait fin août 2012 de Pasadena, au JPL(2), d’où la Nasa dirige le robot martien Curiosity. Cette mission, il la prépare depuis 2004, avec 350 autres scientifiques. Lui et son collègue Stéphane Le Mouélic, ingénieur de recherche CNRS et spécialiste de traitement d’images, font partie de l’équipe qui s’exerçait depuis des mois, avec un rover factice, pour tester sa navigation et les instruments.

Après les longues journées au JPL, avec des réunions en permanence, le rover s’est posé sur Mars, début août. « Le 5 août à 22h31, c’était l’explosion de joie !, s’exclame Nicolas Mangold. C’est formidable, tout était calé à la minute près, tout s’est passé exactement comme prévu, Quelques instants plus tard, la première image est arrivée. C’était encore plus fort ! Une heure après, nous commencions l’exploitation des données. » Enfin, au 13ème jour de la mission, le 19 août, le rover réussit son premier tir laser. « On a sabré le champagne, même si c’était interdit ! Ce jour-là, le stress s’est complètement relâché ».


La base du mont Sharp, où le rover se dirige. Photo NASA/JPL-Caltech/MSSS.

Les deux chercheurs participent au projet ChemCam (3) (lire Sciences Ouest n°290 (4)). L’instrument franco-américain est constitué d’un laser, d’un spectromètre et d’une caméra. Il est réalisé en partie à l’Irap (5) de Toulouse, avec le Cnes et le CNRS. Cet outil sert à étudier la géologie martienne. « Les roches sont notre principal objectif, explique Nicolas Mangold. Nous y cherchons des indications sur l’environnement primitif de Mars, plus chaud qu’aujourd’hui, donc plus favorable à la vie ». Entre le rover et le mont Sharp (5 000 m) situé à 12 km, il y a des roches sédimentaires. De l’eau a été nécessaire pour leur formation. Elles contiennent  des minéraux argileux, détectés depuis l’orbite. Alors pourquoi pas de la matière organique ? Cela ne veut pas forcément dire de la vie, mais des ingrédients indispensables à la vie.

En plus de la taille du robot (3 m de long, 900 kg), l’association caméra-laser est une originalité de Curiosity. La caméra ChemCam, qui peut prendre des photos à 9 m de distance, repère des détails jusqu’à 30 microns. « Nous pouvons caractériser très finement la texture de la roche et voir les minéraux qui la composent », précise Stéphane Le Mouélic. Pour s’affranchir des phénomènes de surface (poussières, altération), le laser fait des trous, d’environ 0,3 mm de diamètre. La température de la roche s’élève alors à 10 000 degrés. Elle devient un plasma. Les atomes excités perdent leurs électrons, ils émettent des photons, analysés à distance par trois spectromètres. La composition chimique élémentaire des roches, à l’endroit du tir, peut alors être déterminée !


Sur des roches à 6 m de distance, la caméra repère des détails de 0,5 mm. Photo NASA/JPL-Caltech/LANL/CNES/IRAP/MSSS.

Au vu des premiers tirs, les chercheurs sont optimistes.  « Les spectres sont parfaitement beaux, plus propres que sur Terre, et le signal est meilleur ! Cette qualité s’explique car l’atmosphère de Mars est très ténue », note Nicolas Mangold.  Dans leur quête, les deux Nantais ont l’enthousiasme communicatif. « Les choses vont extrêmement vite, apprécie Stéphane le Mouëlic. Lorsqu’une roche est analysée, les résultats doivent être fournis en deux ou trois heures. Il faut être hyper réactif ! Car si la roche est intéressante, il faut arrêter le rover sans attendre le lendemain ».

Curiosity a également un bras articulé, qui cueillera les roches idéales pour faire d’autres analyses. Car ChemCam n’est que l’un des dix instruments du robot ! C’est un éclaireur, posté en haut du rover. Au cours de sa mission de deux ans, il devrait examiner des milliers de roches. Il a des chances de trouver son graal.

NICOLAS GUILLAS

Pour en savoir plus  www.msl-chemcam.com

(1) LPGNantes : Laboratoire de planétologie et géodynamique de Nantes.
(2) JPL : Jet Propulsion Laboratory.
(3) ChemCam : Chemistry & Camera, lire Sciences Ouest n°290 - septembre 2011
(4) Sciences Ouest n°290 - septembre 2011
(5) Irap : Institut de recherche en astrophysique et planétologie

Nicolas Mangold Tél. 02 51 12 53 40
nicolas.mangold [at] univ-nantes.fr (nicolas[dot]mangold[at]univ-nantes[dot]fr)

Stéphane Le Mouélic Tél. 02 51 12 54 65
stephane.lemouelic [at] univ-nantes.fr (stephane[dot]lemouelic[at]univ-nantes[dot]fr)

TOUTES LES ACTUALITÉS

Abonnez-vous à la newsletter
du magazine Sciences Ouest

Suivez Sciences Ouest