Le monde vu des poubelles

N° 303 - Publié le 6 novembre 2012
© Jeff Pachoud - AFP

Reflet de notre société, la production de déchets devient de plus en plus importante. Attention, opération réduction.

Il y a eu le boum du plastique, celui du jetable, le besoin de bouger, d’aller plus vite... Nos modes de vie et donc notre façon de produire et de consommer ont beaucoup changé depuis un siècle. Et cela ne va pas toujours dans le bon sens si l’on regarde du côté de nos poubelles : elles débordent ! La production d’ordures ménagères par habitant a doublé en 40 ans et atteint aujourd’hui en France 352 kg/habitant/an. Et, même si le nombre de poubelles a augmenté lui aussi : on jette moins sans réfléchir, on trie, on recycle, on composte..., le problème des déchets n’est pas si facile à régler.

Les lois Grenelle 1 et 2 (votées en août 2009 et juillet 2010) ont fixé différents objectifs : la réduction de la production d’ordures ménagères et assimilées fixée à 7 % par habitant en cinq ans (de 2009 à 2013) ; l’augmentation de la quantité de déchets à orienter vers la filière de recyclage organique, qui devra atteindre 45 % en 2015 ; le recyclage des déchets d’emballages ménagers devant atteindre 75 % en 2012, tout comme celui des déchets d’entreprises. Enfin, les quantités de déchets stockés ou incinérés devront être réduites de 15 % en 2012. Depuis le 1er janvier 2012, les collectivités ont aussi l’obligation d’organiser des programmes locaux de prévention destinés aux habitants, comme la promotion du compostage, par exemple. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) anime les collectivités chargées de leur mise en œuvre.

Caractéristiques des déchets bretons

La Région Bretagne est d’ailleurs assez active en la matière, elle se classe en 3e position au niveau national en termes d’actions labellisées pour la Semaine européenne de la réduction des déchets. L’Ademe Bretagne estime que toutes les actions menées dans le cadre de programmes de prévention couvrent dès à présent 79 % de la population, alors que l’objectif dicté par la loi Grenelle visait 80 % d’ici à 2015. Les Bretons auraient-ils une plus grande sensibilité environnementale ? Oui du point de vue du tri des déchets, qui est plutôt bien fait en Bretagne : la région remporte la palme en termes de recyclage des emballages ménagers (lire encadré ci-dessous) et les Bretons sont des adeptes de la déchèterie. Ils la fréquentent trois fois par an, ce qui est bien au-dessus de la moyenne nationale (une visite par an). Le maillage des déchèteries s’est d’ailleurs développé très tôt, dès les années 90, dans toute la région qui en compte maintenant près de 250. La quantité de déchets verts est aussi supérieure à la moyenne nationale, tandis que le compostage individuel a une bonne cote. Mais les capacités de traitement ne suivent pas. Une partie des ordures ménagères résiduelles produites en Bretagne est acheminée en Mayenne, à Changé, près de Laval, vers l’un des plus gros centres d’enfouissement français. Ce département suréquipé par rapport à ses besoins (il compte un autre centre de stockage et un incinérateur) compense le déficit d’équipement de ses voisins bretons, normands et des autres départements des Pays de la Loire.

Adapter ses infrastructures aux besoins nécessite de bien connaître son territoire. C’est l’une des missions des observatoires. Créé en 1997, l’Observatoire régional des déchets en Bretagne (ORDB) est l’un des plus anciens de France(1). L’ORDB est né, et c’est assez rare, de la volonté de plusieurs entités : État, chambres consulaires, Région, départements et l’Ademe, qui le pilote aujourd’hui, note Véronique Marie qui en est l’animatrice à l’Ademe Bretagne.

Des données en observation

Depuis 2011, toute la partie collecte de données a été confiée au GIP(2) Bretagne Environnement. Celles qui concernent les déchets ménagers sont les premières à avoir été passées à la moulinette. Jusqu’à présent collectées auprès des collectivités par chaque département selon des méthodes spécifiques, elles n’étaient pas toujours très faciles à comparer au niveau régional entre agglomérations. « Nous venons de créer un outil qui va permettre de les harmoniser, explique Christophe Boué, en charge du volet données de l’observatoire au GIP Bretagne Environnement. Elles seront ensuite injectées dans la base de données nationale Sinoe qui elle-même alimente des statistiques demandées par l’Union européenne. Mais notre but est aussi de les rendre largement accessibles, sous des formats adaptés, aussi bien aux départements, responsables des plans de prévention et de gestion, qu’à l’Ademe, chargée de faire de l’animation auprès du grand public. » Après une première phase d’analyse des attentes et de la disponibilité des données, l’outil a aujourd’hui pris forme. Il sera lancé au début de 2013. Le suivi des données sera ensuite étendu aux déchets du BTP, courant 2013, et une troisième thématique déchets, dont le choix est en cours, sera étudiée pour une intégration en 2014. Car l’ORDB a pour mission de surveiller tous les déchets.

Je pense donc je trie

Et côté animation, l’Ademe doit sensibiliser tous les publics. « Nous cherchons à travailler avec le plus de partenaires possible : associations pour l’environnement, structures de l’économie sociale et solidaire... Plus nous avons de relais, plus nous augmentons nos chances d’arriver jusqu’aux particuliers et de développer leur sens de l’écoconsommation, poursuit Véronique Marie. Car beaucoup pensent que trier c’est réduire ses déchets. C’est faux ! Le meilleur déchet reste celui qu’on ne produit pas », rappelle-t-elle. Et maîtriser ses déchets, c’est aussi : boire de l’eau du robinet, imprimer ses feuilles recto-verso, préférer le lavable au jetable. C’est encore pratiquer le réemploi, la location plutôt que l’achat, faire attention au gaspillage alimentaire... Des gestes qui peuvent se trouver en lien avec les économies d’énergie, le transport, le changement climatique... toute une série d’écocomportements. Alors devenez écocitoyens !

Les Bretons recyclent plus que les autres

65,3 kg, c’est le poids des emballages ménagers (hors journaux et magazines) recyclés en moyenne par chaque Breton en 2011. Un résultat qui fait de la Bretagne la première région de France, où la moyenne n’est que de 45,2 kg. La progression de 6 % enregistrée par rapport à l’année 2010 se retrouve par contre au niveau national.

En Bretagne, l’amélioration concerne tous les matériaux d’emballages ménagers (verres, cartonnettes, plastiques et métaux) et tous les départements.

Ces chiffres viennent d’être publiés par la société Éco-Emballages qui pilote le dispositif national de tri et de recyclage des emballages ménagers, en lien avec les industriels et les collectivités chargées de la collecte. Cinquante-sept sont engagées en Bretagne (qui couvrent 100 % du territoire). À une période où les matières premières sont moins disponibles et plus chères, les matériaux recyclés, de mieux en mieux intégrés dans les dispositifs industriels, représentent un marché de 238 millions d’euros.

www.ecoemballages.fr
Nathalie Blanc

(1)La France compte en tout sept observatoires des déchets en : Bretagne, Bourgogne, Île-de-France, Midi-Pyrénées, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Poitou-Charentes, Rhône-Alpes.

(2)GIP : Groupement d’intérêt public.

Véronique Marie Tél. 02 99 85 87 08
veronique.marie [at] ademe.fr (veronique[dot]marie[at]ademe[dot]fr)

Christophe Boué Tél. 02 99 35 45 87
christophe.boue [at] bretagne-environnement.org
www.observatoire-dechets-bretagne.fr

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