Les robots des champs

N° 307 - Publié le 11 mars 2013
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Dehors la règlementation est plus stricte qu'à l'intérieur. On ne lâche pas comme ça un tracteur sans conducteur.

L’automatisation des engins agricoles n’est pas encore une réalité sur le terrain. Mais des projets sont en route.

Y a-t-il un pilote sur le tracteur ? Cette question n’est pas encore d’actualité, mais pourrait bientôt le devenir. « Dans les champs, on est par définition en milieu ouvert, donc directement en lien avec les infrastructures et bien sûr les gens. On ne peut pas lâcher un tracteur comme ça. La réglementation est plus stricte qu’à l’intérieur d’un bâtiment », explique Pierre Havard, responsable de la station expérimentale des Cormiers (Ille-et-Vilaine)(1), spécialisée en agromachinisme. L’automatisation des engins agricoles est pourtant à l’étude dans les laboratoires de recherche depuis plus de vingt ans..., mais n’en est encore jamais sortie. D’une part, parce que les industriels n’étaient pas impliqués. « Ce manque de liaison entre les universités et le monde de l’industrie est typiquement français, reprend Pierre Havard. Les Allemands sont beaucoup plus avancés que nous sur ce point. » Mais aussi, peut-être, parce que cette automatisation n’avait pas d’objectif précis.

L’effet phyto

Le plan Écophyto(2), qui vise à réduire de 50 % l’utilisation des produits phytosanitaires en France d’ici à 2018, pourrait bien être un déclencheur. Limiter le recours aux produits chimiques suppose en effet de faire du désherbage mécanique, ce qui demande beaucoup plus de travail. Une perspective incompatible avec la situation actuelle de l’agriculture française, qui compte de moins en moins de mains et des parcelles de plus en plus grandes. « Automatiser ces tâches de désherbage en s’affranchissant au moins partiellement de la présence de l’agriculteur est une piste attractive », poursuit Pierre Havard. En Bretagne, l’idée a fait son chemin, notamment dans le cadre du croisement des filières Tic et agro/agri impulsé par le programme Agrétic de la Meito(3). « Puis, nous avons rapidement senti que la réflexion devait aller au-delà d’un projet. » Avec le pôle de compétitivité interrégional iDforCar(4), la Chambre d’agriculture de Bretagne et la Meito travaillent donc, depuis la fin de 2011, à la création d’un consortium qui vise à fédérer des laboratoires de recherche, des constructeurs de matériel agricole et des PME spécialisées dans les Tic pas du tout familières du domaine de l’agriculture. « Nous en avons justement emmené visiter le Sima(5) fin février dernier », rapporte Frédéric Gauthier, responsable de ce projet à la station des Cormiers. « La réduction des produits phytosanitaires est un aspect parmi d’autres. L’automatisation des engins peut bien sûr s’appliquer à d’autres besoins, comme le ramassage des cailloux dans les champs, qui est une tâche très pénible. »

Le tracteur de pépé a bien changé

Après le gros boum de la mécanique et la vague d’équipement de l’après-guerre, l’agriculture française est passée, à partir du milieu des années 70, à un marché de renouvellement puis de développement de l’innovation technologique. En plus de la climatisation, de la radio et du guidage par GPS, les tracteurs dernier cri d’aujourd’hui sont bardés de capteurs et de “bus informatiques”, souvent bien plus sophistiqués que ceux d’une voiture. Dans les modèles les plus élaborés, la connexion d’une machine (charrue, semoir, faucheuse...) à l’arrière du tracteur est automatiquement reconnue, et ses commandes sont instantanément reportées sur le tableau de bord. L’outil peut commander le tracteur : la presse à fourrage, une fois pleine, provoque son arrêt pour le déchargement, ou inversement : grâce à son GPS, le tracteur sait à quel endroit de la parcelle il se trouve et communique avec le distributeur d’engrais qui module l’amendement.

À la station expérimentale des Cormiers (lire ci-dessus), Pierre Havard travaille aussi à la jonction de ces informations de terrain, directement du tracteur vers le logiciel de supervision de l’agriculteur ; de sorte que celui-ci n’ait plus à rentrer manuellement ses données : types et quantités d’amendement apportés pendant la journée sur telle parcelle... L’établissement de la première certification environnementale d’une machine agricole est en jeu !

Nathalie Blanc

(1)Une des six stations expérimentales de la Chambre d’agriculture de Bretagne.

(2)Le plan Écophyto 2018 est en France l’une des mesures proposées par le Grenelle de l’environnement à la fin de 2007 et reprise par le second Plan national santé environnement en 2009.

(3)Meito : Mission pour l’électronique, l’informatique et les télécommunications de l’Ouest.

(4)Déployé sur trois régions : Bretagne, Pays de la Loire et Poitou-Charentes, le pôle iDforCar soutient l’innovation dans la filière véhicules.

(5)Le Mondial des fournisseurs de l’agriculture et de l’élevage a eu lieu du 24 au 28 février à Paris.

Pierre Havard Tél. 02 99 39 72 93
pierre.havard [at] bretagne.chambagri.fr (pierre[dot]havard[at]bretagne[dot]chambagri[dot]fr)

Frédéric Gauthier Tél. 02 99 39 72 92
frederic.gauthier [at] bretagne.chambagri.fr (frederic[dot]gauthier[at]bretagne[dot]chambagri[dot]fr)

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