La raffinerie qui craque les algues vertes

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N° 313 - Publié le 7 octobre 2013
© Nicolas Guillas

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La première usine bretonne de raffinage des algues vertes a été inaugurée à Plouénan. Pour traiter les algues et lancer une filière industrielle.

Une raffinerie d’un nouveau type a été inaugurée à Plouénan (Finistère), le 9 septembre. Elle n’extrait pas des hydrocarbures, mais de l’or vert : les algues et leurs principes actifs. L’usine s’inscrit dans le projet Ulvans, labellisé par le pôle Mer Bretagne. Lancé l’an dernier, Ulvans réunit le Morbihannais Olmix, spécialiste de la valorisation des algues, et les partenaires locaux PRP Technologies (santé végétale), Melspring (nutrition végétale), Agrival (collecte et bioraffinerie) et Amadéite (santé animale). Cette usine veut être le maillon fort d’une filière économique des macroalgues.

« Les algues sont collectées en mer(1), explique François Gallissot, chargé de mission du consortium Ulvans, près de l’immense laveuse-broyeuse. Elles sont débarrassées du sable et essorées pour enlever l’eau de mer..., mais pas des molécules d’intérêt, notamment les polysaccharides. » Les algues transitent ensuite, via une forêt de tuyaux, à travers un écheveau complexe de machines (extracteur, concentrateur, centrifugeuse...), jusqu’au séchage. Les éléments solides y sont récupérés, les jus sont extraits dans la salle humide.

Pour animaux et végétaux
« Il faut craquer les algues, résume Sébastien Balusson, directeur industriel d’Olmix. Il y a le craquage physique (broyage, pressage, ultrafiltration) et le craquage biologique, grâce à des enzymes qui découpent les chaînes de sucres(2). Nous extrayons des molécules d’intérêt, qui sont concentrées et mises sur un support (argile). » Les sucres et les protéines des algues sont inclus dans l’alimentation des animaux d’élevage (poissons, veaux, poulets) pour diminuer l’utilisation des antibiotiques. Les principes actifs algaux sont aussi précieux pour les végétaux. « Cela ne remplace pas 100 % des traitements des plantes. Mais les algues permettent de marquer des pauses à l’utilisation massive de produits chimiques, pour éviter la biorésistance. »

« Les défis sont multiples, complète Pi Nyvall Collén, directrice de la Recherche et développement d’Olmix. Nous mettons en place des techniques de ramassage et des procédés (lavage, broyage, séparation des phases), avec des contraintes de temps fortes. Car l’algue est une matière vivante, qui entre rapidement en putréfaction. » Il faut faire vite entre la récolte et l’arrêt de l’activité biologique de l’algue. Mais cette stabilisation n’est pas un procédé simple, d’autant qu’Olmix utilise un minimum de solvants chimiques, dans une démarche de développement durable(3). « Il y a aussi des verrous à lever, pour aller vers un craquage plus poussé, en identifiant les molécules actives à séparer, et en trouvant des moyens de les récupérer sélectivement. »

Cinq tonnes par heure
L’usine traite des algues vertes (ulves), mais aussi les rouges et les brunes (six espèces actuellement). Elles arrivent du littoral, deux à quatre heures après leur récolte. Cinq tonnes sont traitées par heure, l’objectif est d’atteindre cent tonnes par jour. Cinq chercheurs et douze techniciens sont sur le site, qui pourrait compter une centaine d’employés à terme. Les collaborations scientifiques sont variées, avec la Station biologique de Roscoff, toute proche, le Laboratoire de biotechnologie et chimie marines (Université de Bretagne Sud), ou l’Inra de Tours.

« Cette usine est une première mondiale, confirme Éric Perchais, chargé d’affaires innovation à Bpifrance(4). Quand Olmix a annoncé l’idée de valoriser les algues vertes en 2001, c’était utopique ! Cela s’est révélé très prometteur, avec des produits aujourd’hui sur le marché. » La Banque publique d’investissement (ex-Oséo) a apporté une aide de 10,7 millions d’euros pour Ulvans, sur un investissement total de 25 millions, sur 4 ans (5 millions pour l’usine). « C’est une innovation de rupture, avec des gros enjeux économiques et environnementaux, et un vrai projet collaboratif à l’échelle bretonne. »

« Nous pouvons conquérir le monde ! »

« Cette bioraffinerie est le lancement d’une filière, a lancé lors de l’inauguration Hervé Balusson, le P-DG d’Olmix, devant 350 personnes venues des quatre coins du monde (26 nationalités). Cette usine va fournir d’autres usines. Nous pouvons, grâce à l’algue bretonne, conquérir le monde ! Car nous avons en Bretagne 1500 chercheurs, une des meilleures connaissances au monde sur les algues et une biodiversité exceptionnelle, avec 700 espèces d’algues. » Basé à Bréhan (Morbihan), le groupe Olmix (250 collaborateurs) est présent dans 60 pays et réalise 80 % de son CA (56 millions d’euros) à l’exportation.

Nicolas Guillas

(1)Grâce à de nouvelles machines, testées cette année par Agrival en baie de Douarnenez, et au navire amphibie Amadeus. Lire aussi le dossier Algues vertes, Sciences Ouest n° 297 - avril 2012. www.espace-sciences.org/sciences-ouest/rubrique/297.

(2)Lire Kévin Hardouin : « Je cherche à valoriser les algues vertes », Sciences Ouest n° 310 - juin 2013.

(3)Certifiée ICPE (Installation classée pour la protection de l’environnement), l’usine recycle et purifie son eau.

(4)Bpifrance, détenue à 50 % par l’État, soutient le développement des Entreprises de taille intermédiaire (ETI).

Pi Nyvall Collén Tél. 02 97 28 12 36
pnyvallcollen [at] amadeite.com (pnyvallcollen[at]amadeite[dot]com)

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