Pour se représenter l’espace

N° 316 - Publié le 13 janvier 2014

Des chercheurs en géographie sociale utilisent un jeu de plateau pour travailler sur la représentation de l’espace.

Sandrine Depeau est chercheuse en psychologie environnementale dans le laboratoire de géographie sociale Eso-Rennes(1). Pour ses travaux sur la représentation cognitive de l’espace d’action des enfants et de leurs parents dans le milieu urbain, elle a utilisé un jeu de plateau(2) grâce auquel chacun peut reconstruire sa ville.

1/ Le recours au jeu est-il lié à votre domaine de recherche ?

Oui, un peu, car dans ces travaux sur la représentation de l’espace, l’idée était d’amener les individus à produire leur carte mentale de l’espace. Cet exercice passe souvent par le dessin, mais dans ce cas précis, le dessin peut être une pratique bloquante. En termes d’analyse ensuite, on ne sait pas si les distorsions observées sont dues à une difficulté de représentation dans l’espace ou bien à une difficulté à dessiner. Le jeu permet de mettre les personnes dans les mêmes conditions d’enquête, car les éléments du jeu sont les mêmes pour tous.

2/ Est-ce aussi parce que vous vous adressiez à des enfants ?

Oui, en partie. En même temps, le jeu a aussi été créé pour dépasser ces mêmes difficultés avec des adultes. D’ailleurs, j’ai aussi travaillé avec des enfants et leurs parents pour mettre en évidence des dissonances entre les deux.

3/ Qu’apporte le jeu ?

Par rapport au dessin, le jeu est plus facile à manipuler. Au fur et à mesure de la production d’un espace sur plateau, les personnes peuvent rectifier, revenir en arrière et changer les échelles de représentation. Il laisse aussi plus de place aux commentaires oraux. Moins concentrées sur leur dessin, les personnes citent et caractérisent les lieux de la ville avec leurs mots. On obtient donc plus de précision dans la représentation de l’espace.

4/ Et par rapport à des enquêtes classiques ?

Les gens sont moins dans la position “d’interrogés”. Ils sont plus acteurs. Le côté ludique du jeu les rend aussi plus spontanés. Ils se prennent moins au “sérieux”. Je pense notamment à une étude que j’avais faite à Paris sur les risques routiers chez les adolescents, pour laquelle les risques avaient été scénarisés en un jeu de plateau(3). Il était important de mettre les jeunes en situation pour éviter qu’ils ne se contentent de réponses convenues.

5/ Le jeu a-t-il des inconvénients ?

Disons qu’il peut générer d’autres biais. On est souvent confrontés à la question : “Comment on gagne ?”. Je citerais l’exemple d’adultes qui, dans une situation de production d’une représentation, avaient tendance à vider la boîte pour utiliser toutes les pièces du jeu. Un peu comme un concours à celui qui arriverait à placer le plus d’éléments ! Avec les enfants, même chose : on a repéré qu’ils étaient sensibles au fait qu’on numérote l’ordre d’apparition des éléments... Maintenant, pour éviter cet effet d’inflation numérique des éléments, on utilise des lettres, cela retient moins leur attention.

Nathalie Blanc

(1)Eso-Rennes : Espaces et sociétés - UMR CNRS 6590, Université Rennes 2.

(2)Jeu de reconstruction spatiale créé par Thierry Ramadier.

(3)Le Trade-off Game.

Sandrine Depeau Tél. 02 99 14 20 96 6
sandrine.depeau [at] univ-rennes2.fr (sandrine[dot]depeau[at]univ-rennes2[dot]fr)

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