Le froid ne passera pas par là

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N° 317 - Publié le 10 février 2014
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Un ingénieur rennais a mis au point un boîtier isolant pour diminuer les déperditions thermiques entre le plancher et les murs extérieurs d’un bâtiment.

Nos maisons sont truffées de courants d’air. Partout, des infiltrations : autour des fenêtres, de la toiture, du plancher... Pour compenser, on se contente d’augmenter le chauffage. Pourtant, il faudra bien combler le trou, conformément à la Réglementation thermique 2012. Issue du Grenelle Environnement et entrée en vigueur fin 2011, celle-ci demande de diminuer de 40 % la déperdition de chaleur au niveau des planchers dans tous les bâtiments neufs.

Franck Palas, responsable technique du bureau d’études Ingénova, basé à Rennes, s’est engouffré dans la brèche et innove avec un isolant thermique à placer entre la façade et le plancher lors de la construction des bâtiments. Appelé Slabe, ce boîtier pourrait révolutionner le génie civil. « Il existe bien un rupteur thermique allemand, mais il n’est pas adapté aux efforts sismiques. Or, des régions comme la Bretagne connaissent parfois de faibles tremblements de terre. Si le plancher se met à bouger, les barres qui servent de liaison avec la façade se fragilisent et se comportent alors comme un trombone que l’on viendrait trop manipuler. Il y a aussi des systèmes d’isolation par l’extérieur mais ils sont mal intégrés dans la culture architecturale française. »

Robuste et déformable

Le Slabe est inspiré du système allemand. Composé d’un boîtier PVC étanche et de barres en acier inoxydable, il permet de diminuer de 74 % la déperdition de chaleur. « L’acier inoxydable est doublement avantageux par rapport à l’acier classique. Il a une faible conductivité thermique et une bonne ductilité, c’est-à-dire que le matériau se déforme plus qu’il ne casse. » Mais cela ne suffit pas pour éviter la rupture en cas d’activité sismique. La grande innovation est la combinaison de deux pièces ajoutées, à la fois robustes et ductiles : l’une en forme de Z et l’autre en forme de N incrustées dans le plancher en béton. « Le Z permet de supporter les mouvements verticaux engendrés par le poids du plancher et le pas des occupants tandis que le N absorbe les mouvements horizontaux comme un tremblement de terre. »

Tests grandeur nature

Le nouveau rupteur thermique a été pensé fin 2008. « Je l’ai imaginé en une semaine pendant mes vacances de Noël, se rappelle Franck Palas. La conception du produit a été très rapide mais sa mise sur le marché est un long parcours du combattant... » Breveté en 2009, le Slabe a fait l’objet d’un chantier pilote à Rennes la même année : « Sur le terrain, les ouvriers doivent intégrer une nouvelle technique de pose tout en sécurisant le produit, nous avons donc travaillé sur sa mise en œuvre. » Puis, l’ingénieur s’est confronté à l’évaluation du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB). « Sans la validation des experts, on ne peut pas fabriquer et commercialiser l’objet », explique-t-il. Face aux interrogations du CSTB, il a fait appel à l’Insa de Rennes dont il est un ancien élève. « Nous avons vite collaboré au vu de nos intérêts communs, explique le chercheur Hugues Somja. À l’Insa, nous menons des travaux, plus généraux, sur la combinaison béton/acier. » La plate-forme technologique génie civil et mécanique de l’école d’ingénieurs (PFT GCM) a permis de réaliser des tests grandeur nature afin de consolider l’argumentaire scientifique et technique du Slabe auprès de la communauté d’experts.

« Nous avons installé un plancher de quatre mètres de long fixé à deux murs de deux mètres de côté via des boîtiers Slabe. » Le principe est de simuler une activité sismique en appliquant à petite et grande vitesses des cycles de charges de plus en plus élevées. « Nous sommes montés à un séisme six fois plus gros que ce que l’on peut connaitre dans la région. » Les murs sont quadrillés pour visualiser le tracé des fissures qui apparaissent lorsque le système commence à se fragiliser. Et une centaine de capteurs situés sur les différentes parties des boîtiers Slabe mesurent les déformations de l’acier. D’autres simulations ont été effectuées sur ordinateur, appliquées à dix types d’architectures.

Bientôt validé

« À la fin de 2013, le CSTB nous a demandé de réitérer nos simulations sur un deuxième logiciel. » Une ultime présentation du projet auprès des experts vient d’avoir lieu pour valider définitivement sa conformité. Le Slabe rennais, un boîtier simple, robuste et unique en Europe, pourrait bien se retrouver un de ces jours dans les bâtiments neufs, en France et même au-delà. Finis les courants d’air !

Diminuer la consommation d’énergie

L’étanchéité à l’air d’un bâtiment est désormais une obligation indissociable de la Réglementation thermique 2012 (RT 2012). Elle se mesure notamment par un coefficient de déperdition au niveau des ponts thermiques de planchers qui ne doit pas dépasser 0,60 Watt par mètre-kelvin. Depuis la mise en place d’une Réglementation thermique (1974), la consommation énergétique des constructions neuves a été divisée par deux. Le Grenelle Environnement prévoit de la diviser à nouveau par trois grâce à la RT 2012.

Klervi L’Hostis

Franck Palas Tél. 02 99 86 80 99
franck.palas [at] bet-ingenova.fr (franck[dot]palas[at]bet-ingenova[dot]fr)

Hugues Somja Tél. 02 23 23 86 83
hugues.somja [at] insa-rennes.fr (hugues[dot]somja[at]insa-rennes[dot]fr)

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