La physique et la fourmi

N° 331 - Publié le 7 mai 2015
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Pour piéger ses proies, la larve du fourmilion creuse un cône dans le sable. Une fois tombée dedans, la fourmi ne pourra plus en sortir.

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Un physicien et un entomologiste ont filmé des fourmis dans le sable pour comprendre le comportement de ce matériau.

Elle essaie de toutes ses forces, cette petite fourmi, de sortir du puits de sable dans lequel elle est tombée. Mais rien n’y fait, ses pattes dérapent sur la pente, et la revoilà au fond du piège tendu par le fourmilion.

Cet insecte à la méchante habitude de creuser des puits coniques dans le sable, véritables attrape-fourmis. Une punaise qui chute a, par contre, plus de chance de sortir du piège. Un physicien rennais passionné par les insectes et un entomologiste de Tours, bien calé en physique, se sont attaqués à cette énigme. « La pente du piège est très proche de l’angle d’avalanche, explique Jérôme Crassous, de l’Institut de physique de Rennes, spécialisé dans les milieux granulaires, c’est-à-dire l’angle au-delà duquel le sable s’écoule. Pourquoi certains s’en sortent-ils ? »

Elle laisse son empreinte

Sur un plan incliné, les scientifiques ont déposé du sable puis une fourmi et ils ont filmé la bête. « Nous avons testé cinq angles et trois grosseurs de grains. Et nous avons analysé la marche de l’animal, le mouvement des six pattes. » Un logiciel extrait de l’image les mouvements de la fourmi. « Nous filmons 1000 images par seconde, pour voir les dégringolades. » Sur le sable le plus fin ou le plus grossier, l’animal s’en sort (dix fourmis ont tenté l’expérience à chaque fois). Mais sur les grains intermédiaires, « elle dérape, son corps est alors perpendiculaire à sa trajectoire, poursuit le physicien. Il y a une combinaison poids de l’animal - et taille de ses pattes - sur la taille du grain. » Si l’animal est suffisamment léger, il ne perturbe pas la surface. Et s’il est assez lourd, comme la punaise, il va creuser une empreinte qui lui permet d’avancer.

Un vrai problème de physique

Ce projet entamé depuis deux ans se poursuit avec des objets déposés sur des surfaces de sable inclinées. « Là, nous n’avons plus besoin de filmer, des observations et des mesures suffisent. » Et les chercheurs attendent beaucoup des résultats. « Il s’agit de voir comment réagit un matériau granulaire au bord de l’écoulement, et comment se déplacer sur une surface déformable. Ce sont de vrais problèmes de physique ! » Pour une fourmi qui tombe dans un piège de fourmilion, il n’y a plus qu’à espérer faire le poids !

La fourmi décroche !



Sur ces images filmées avec une caméra rapide (monochrome), la fourmi est en mauvaise posture sur un plan incliné dont l'angle est proche de celui de l'avalanche. Les chercheurs surveillent la position de son corps : son orientation. Quand sa vitesse n'est plus parallèle à son corps,la fourmi décroche.

Jérôme Crassous
Céline Duguey

Jérôme Crassous
Tél. 02 23 23 57 54
jerome.crassous [at] univ-rennes1.fr (jerome[dot]crassous[at]univ-rennes1[dot]fr)

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