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N° 334 - Publié le 27 octobre 2015
Crâne humain : Musée de l'Homme à Paris

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Plus large que haute, la forme de l’orbite humaine est unique et nous offre une vision latérale exceptionnelle.

« Quand on étudie la vision, c’est un peu comme avec les huîtres perlières : on trouve beaucoup d’informations sur le bijou, ici l’œil, mais très peu de choses sur l’enveloppe, ici l’orbite. » C’est ce qu’a constaté Éric Denion, chef du service d’ophtalmologie au CHU de Caen, quand il a commencé à travailler sur la vision périphérique chez l’humain, avec le soutien de Frédéric Mouriaux, professeur d’ophtalmologie à l’Université de Rennes 1 et au CHU de Rennes. Ses deux publications sorties dans Scientific Reports en juin et juillet derniers, renverseront-elles la tendance ?

Les spécialistes distinguent depuis longtemps(1) la catégorie des prédateurs (dont l’humain fait partie) avec des globes oculaires orientés vers l’avant qui leur procurent une vision convergente et une bonne notion du relief, mais une faible vision périphérique ; l’autre catégorie, les proies, ont au contraire une vision périphérique développée leur permettant de fuir rapidement, au détriment de la vision centrale.

Grâce à des mesures effectuées sur cent crânes humains et cent vingt crânes(2) d’autres hominoïdes (les singes les plus proches de l’humain), Éric Denion apporte des nuances supplémentaires : « L’orbite de l’humain et des gibbons est moins convergente, moins orientée vers l’avant que celle des bonobos, chimpanzés, gorilles et orangs-outans. Par ailleurs, l’orbite humaine est très allongée horizontalement(3). Enfin et surtout, l’humain possède un rebord latéral plus reculé, qui, associé aux mouvements oculomoteurs, permet une très bonne vision latérale. » Dans cette configuration, l’œil est moins protégé mais le gain pour la vision (champ visuel) semble avoir été privilégié. Certaines personnes peuvent en effet dépasser 90 ° de champ visuel latéral sans bouger la tête, et aller jusqu’à 135 ° en portant l’œil en dehors !

Dans sa deuxième publication, Éric Denion a réalisé des analyses chiffrées du champ visuel en utilisant un modèle mathématique(4). Il modifie la position du rebord latéral de l’orbite humaine pour la faire ressembler à celle de singes hominoïdes. Et il s’avère qu’un léger avancement du rebord latéral (8,4 °) entraîne une perte considérable de champ visuel latéral (21 °). « Je suis ophtalmologue, rappelle Éric Denion, et croiser mes connaissances avec d’autres en anthropologie, évolution... me passionne. J’aimerais poursuivre ces travaux sur l’anatomie de l’œil avec d’autres outils. » En attendant, une autre de ses études montre que le port de lunettes à larges branches, très prisées en ce moment, réduit cette vision périphérique qui a évolué chez l’humain en plusieurs millions d’années !

(1) Voir les travaux de Daniel E. Lieberman de l’université Harvard (ex : The Evolution of the Human Head, 2011).

(2) Conservés au musée de l’Homme de Paris et dans les Musées d’histoire naturelle de Paris, Bruxelles et Tervuren (Belgique).

(3) L’humain possède le rapport largeur sur hauteur le plus important.

(4) Développé par Éric Levieil, normalien en mathématiques et informatique.

Éric Denion
denion-e [chez] chu-caen.fr (denion-e[at]chu-caen[dot]fr)

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