Quelles lois pour le climat ?

N° 337 - Publié le 21 mars 2017
Ministère des relations extérieures du Pérou
Le ministre péruvien des Affaires étrangères a ouvert la précédente Conférence des parties (COP) annuelle le 1er décembre 2014 à Lima (Pérou).

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Marion Lemoine, juriste, analyse les textes internationaux qui régissent les efforts à fournir pour sauver la planète.

Dans le domaine des changements climatiques, le monde de la recherche est actif depuis la fin des années 70. En science d’abord, avec l’étude des sols, de l’atmosphère, de l’eau douce et de l’eau de mer... En économie aussi, pour imaginer une marche à suivre viable. Le droit de l’environnement est apparu quant à lui plus récemment, à partir des années 1980. Cet axe fait l’objet de recherches à Rennes, au sein de l’Institut de l’Ouest : droit et Europe (Iode) (1), depuis 2004. Marion Lemoine, chercheuse CNRS rattachée à l’Iode, est spécialisée dans le droit sur les changements climatiques. Elle analyse l’évolution des normes juridiques et les textes internationaux dans ce domaine.

« Le premier traité international date de 1992. C’est la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Rapidement ratifiée par les États, elle est entrée en vigueur dès 1994 », rappelle-t-elle. Destiné à limiter les émissions de gaz à effet de serre (GES), le traité n’impose aucun résultat chiffré mais pose des objectifs permettant d’entamer un processus de prise de décisions. Le protocole de Kyoto, signé en 1997, est basé sur des normes juridiques différentes. Il impose des objectifs chiffrés aux pays industrialisés sous peine de sanctions, tandis que les pays en développement ont seulement l’obligation de fournir des efforts. « Le protocole de Kyoto n’a pu entrer en vigueur qu’en 2005, car même si tous les États de la planète ont signé ce texte, ils ont ensuite été beaucoup plus réticents pour le ratifier (2). La division des États en deux catégories dans le protocole a créé de fortes inégalités concernant les efforts à fournir entre 2005 et 2012 : en 1997, lorsque le protocole est rédigé, la Chine fait partie des pays en développement et n’émet d’ailleurs que très peu de GES. Mais 10 ans plus tard, lorsque le texte est réellement en vigueur, la Chine est le premier émetteur mondial et n’a aucune obligation de résultats. »

 

40000 participants

Le protocole de Kyoto a pris fin en 2012. D’où l’importance de négocier un nouvel accord. Mais quelle forme juridique prendra-t-il ? C’est autour de cet enjeu mondial que se déroule la COP21, depuis le 30 novembre jusqu’au 11 décembre. Pour l’instant, la majorité des États (3) accepte de s’engager, mais il est prévu que chacun décide individuellement de son objectif de réduction et de son calendrier. « Cela peut fonctionner car il y a un effet d’incitation réciproque au fur et à mesure que des solutions ambitieuses sont proposées. En revanche, le niveau de comparabilité, de transparence et de contrôle est très restreint car tous les États ne souhaitent pas s’engager sur ces points. Ce qui complique les négociations. » Un projet d’accord de 50 pages, finalisé entre septembre et octobre derniers, sert de base de réflexion. Marion Lemoine fait partie des 40000 personnes que l’événement rassemble. Elle suit le débat et tente de comprendre les mécanismes de coalition, d’incitation, de négociations informelles qui s’y jouent. « Nous sommes tous susceptibles de participer aux discussions. Il y a les représentants étatiques, les grands groupes industriels, les ONG, les chercheurs, c’est une énorme machine ! Les débats entamés lors des séances plénières se poursuivent souvent en sous-groupes, puis parallèlement de manière informelle, dans les couloirs, par exemple, pour élaborer des stratégies de prise de décisions. » En arrière-plan, la chercheuse veut identifier les normes juridiques les plus efficaces et celles qui deviennent au cours du temps des principes fondamentaux intégrés par tous. « En espérant que la COP21 aboutisse bien à un accord international... » On croise les doigts !

Klervi L’Hostis

(1) CNRS, Université de Rennes 1.
(2) Le protocole n’a finalement pas été ratifié par les États-Unis, car le Congrès américain a bloqué cette décision.
(3) Au 1er novembre dernier, 156 États sur 195 ont soumis leur “contribution nationale” à l’effort de limitation des émissions de GES. Les 39 restants sont de petits émetteurs de GES et des États pétroliers.

Marion Lemoine
marionlemoine1@gmail.com

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