Cachés dans nos assiettes

N° 349 - Publié le 8 février 2017
Bruno Le Bizec
Les chercheurs quantifient les dioxines présentes dans un échantillon de lait grâce à l’appareil en arrière-plan. À l’écran, chaque pic représente un type de dioxine. Les pics verts correspondent aux dioxines identifiées grâce à l’étalon.
Bruno Le Bizec

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Des chercheurs analysent les contaminants chimiques qui s’accumulent dans les aliments d’origine animale.

Viande, poisson et lait, ces produits qui composent nos assiettes contiennent des substances ayant des effets potentiellement néfastes sur la santé. Ainsi, 80 % des expositions aux dioxines, émises par les fumées de combustion ou les éruptions volcaniques, passent par notre alimentation, principalement celle d’origine animale. Cette proportion est aussi valable pour les retardateurs de flammes (1), utilisés sur les textiles, les plastiques ou les équipements électroniques. On peut aussi citer les PCB (2), longtemps utilisés pour leur rôle isolant, notamment dans les appareils électriques. Les animaux en ingèrent à petite dose, en même temps que leur nourriture. Ces composés sont pour la plupart lipophiles : ils se lient aux graisses et s’y accumulent tout au long de la vie de l’animal. Cette accumulation n’a pas le temps d’avoir des effets visibles chez les animaux, qui ont une durée de vie assez courte. Mais chez l’être humain qui consomme régulièrement de la viande, du poisson et des produits laitiers, c’est une autre histoire.

 

Doses infinitésimales

 « Le problème est que l’exposition à ces substances est quotidienne mais à dose très basse, explique Bruno Le Bizec, directeur du Laboratoire d’étude des résidus et contaminants dans les aliments, et professeur à l’école vétérinaire de Nantes (3). Les effets sont visibles 20, 30 ou 40 ans plus tard, chez une partie de la population. » La démonstration de la causalité est donc difficile à faire. Pourtant, ces contaminants sont soupçonnés d’être à l’origine de cancers, notamment du sein ou de la prostate, d’endométriose (4) ou, en cas d’exposition in utero, d’infertilité à l’âge adulte ou d’avancement de l’âge de la puberté.

Les PCB ont progressivement été interdits en France depuis les années 70. La convention de Stockholm sur les produits organiques persistants, entrée en vigueur en 2004, interdit de les utiliser au niveau international. Certains retardateurs de flammes sont également interdits. Mais ces produits mettent plusieurs dizaines d’années à se dégrader et sont encore aujourd’hui retrouvés dans l’environnement, où ils sont absorbés par certains animaux en même temps que leur nourriture.

 

Une exposition divisée par 4

En ce qui concerne les dioxines, « l’exposition de l’homme a été divisée par quatre ou cinq en vingt ans », révèle Bruno Le Bizec. D’abord en réduisant les sources primaires : de nouvelles normes ont été décidées pour les usines d’incinération des déchets, responsables de la moitié des émissions. En 2001, l’Union européenne a fixé une concentration maximale en dioxines dans l’alimentation des animaux et des hommes. Dernière étape : les messages de prévention. Les recommandations de l’Anses sont de ne pas consommer plus de deux poissons par semaine, en variant leur provenance et leur type (un poisson gras et un poisson maigre). Les poissons représentent en effet la moitié des sources de contamination par des dioxines. Leur consommation reste néanmoins fortement recommandée pour leur apport en oméga-3. Un équilibre précaire, entre apport de nutriments et limitations des contaminants...

Maryse Chabalier

(1) Sauf pour les enfants de moins de trois ans, qui sont plus en contact avec les poussières.
(2) Polychlorobiphényles.
(3) Oniris, École nationale vétérinaire, agroalimentaire et de l’alimentation Nantes-Atlantique.
(4) Maladie gynécologique caractérisée par la présence de membrane utérine en dehors de l’utérus.

Bruno Le Bizec, tél. 02 40 68 78 80, bruno.lebizec@oniris-nantes.fr

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