Sciences et handicap : une médiation intuitive

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N° 411 - Publié le 27 juillet 2023
G. Leimdorfer / EPPDCSI

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Quand il s’agit de sciences, tout le monde est le bienvenu, et les personnes en situation de handicap ne font pas exception. Pour s’adresser au mieux à tous les publics, les médiateurs des espaces scientifiques bretons se démènent.

« On peut tout dire à tout le monde. C’est juste une question de ton et d’adaptation. » Philippe Dagron, médiateur à l’écomusée de la Bintinais à Rennes, se fait un devoir de développer des animations accessibles à tous. À grand renfort d’images, de nids d’oiseaux et d’anecdotes, il adapte ses récits pour « accueillir les gens éloignés des musées en raison d’un handicap, d’une situation sociale ou médicale ». Pour lui, la présence des animaux est un vrai plus pour permettre de « voir en vrai », de sentir et de toucher. Mais au-delà de cet exemple particulier, comment s’adresser à tous les publics en situation de handicap, dans la diversité des situations et des contenus ?

Anticiper, un premier pas

Bien discuter en amont avec les accompagnateurs, dès la réservation d’un créneau, permet une médiation optimale. « Quel que soit le groupe ou le type de handicap, nous prenons toujours du temps pour échanger et préparer la visite », explique Frédérique Colombel, médiatrice scientifique à l’Espace des sciences, à Rennes. L’adaptation se fait au cas par cas, selon les demandes et les besoins. Pour les personnes en situation de handicap mental, elle rassure : « Nous avons déjà du matériel de médiation adapté à tous les scolaires. Il suffit que le niveau correspondant nous soit indiqué avant la visite ! » Le lieu est d’ailleurs bien équipé pour les individuels : des créneaux réservés pour les visites avec une interprétation en LSF1, des casques audioguides conformes aux appareils auditifs ou amplifiés, des livrets en braille ou encore en FALC2. « Les personnes sourdes ou malentendantes peuvent venir seules visiter les expositions, qui sont sous-titrées et expliquées à l’écrit », avance la médiatrice.
Avec les handicaps psychiques3, le problème peut résider dans la luminosité ou le caractère bruyant des lieux qui troublent les sens et la concentration. Il peut suffire d’aménager des temps calmes et de baisser l’intensité lumineuse pour recevoir ces publics. Ensuite, chacun y va de son adaptation en fonction de ses particularités. À Océanopolis, à Brest, impossible d’installer des panneaux en braille : c’est un aquarium. « En revanche, nous pouvons faire toucher certains animaux », précise Tristan Hatin, médiateur scientifique. Faire appel aux sens, raccourcir les formats, simplifier les choses… Quelles que soient les contraintes, la médiation n’est jamais impossible.

« Faire de la médiation, c’est déjà s’adapter »

D’ailleurs, pour une grande majorité de ces professionnels, s’adresser aux personnes en situation de handicap est bien loin d’être un défi insurmontable. « La médiation, c’est déjà du contact humain, c’est de l’adaptation en permanence aux personnes qui sont face à nous », engage Frédérique Colombel. Bien sûr, il arrive que certains formats fonctionnent mal : « Nous avions utilisé de grandes maquettes d’insectes pour expliquer leur morphologie, et les personnes aveugles de naissance, qui les reconnaissent par le bruit, s’inquiétaient de leur taille gigantesque, raconte la médiatrice. Nous les avons rassurés et avons trouvé de quoi indiquer leur taille réelle. » S’inspirer des pratiques des autres, inventer de nouveaux outils… Cette méthode essai-erreur permet d’améliorer constamment les visites. À la Maison de la mer à Lorient, Carole Boussion et Pauline Texier, médiatrices et animatrices des circuits portuaires, se sont récemment formées à cet accueil un peu particulier. Leur format, tout en extérieur, a l’avantage d’être « très sensoriel, avec des bruits de bateaux, des gens qui travaillent sur le port et l’odeur des poissons », raconte la première. Mais elles aimeraient pouvoir travailler plus étroitement avec les associations qui accompagnent les publics en situation de handicap, pour adapter parfaitement les temps de médiation et mettre en place des dispositifs permanents.
« Notre objectif ultime serait que personne n’ait besoin de s’inscrire à des visites spécifiques, espère quant à elle Frédérique Colombel. Mais il n’existe pas d’outil de médiation universel. Ce ne sera jamais parfait, car chaque individu a ses propres attentes et spécificités. » Pourtant, les efforts déployés témoignent d’un engagement vers une meilleure inclusion. « La science, ça ne concerne pas que les personnes valides », conclut Tristan Hatin.

 

ANNA SARDIN

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