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Cuir, beauté et santé

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Des trésors au fond de l’océan

Les usages autres que nutritionnels des produits de la mer sont de plus en plus nombreux. Santé, cosmétique, environnement, maroquinerie, habillement, et bien d'autres, ils se développent dans toutes les directions.

Pascal Vuadelle, tanneur à Callac.

La maroquinerie de poisson est mal connue, ce qui n'étonne guère dans un pays où n'officie qu'un seul tanneur. Pascal Vuadelle dirige la Tannerie de Callac depuis 1980, époque où le travail portait sur les seules peaux de bétail. Ce chimiste de formation a appris le métier sur le tas. "Dans un pays développé comme le nôtre, la tannerie reste un métier très manuel, qui connaît une hécatombe depuis une dizaine d'années. La vente des fabrications classiques baisse régulièrement. Pour continuer à exister, il fallait se distinguer".

Il mène ses premiers essais en 1989. "Je savais que la peau de poisson était tannable et, cette époque était celle du boom de la transformation du poisson. Mais, techniquement, le terrain était vierge et il n'existait aucun procédé".

Un bracelet de montre en peau de poisson.

Le premier poisson qui l'a intéressé est le saumon, dont la fumaison se développait alors à une échelle industrielle. "Avec un poisson d'élevage, il était possible de s'approvisionner régulièrement et en quantité suffisante. Il fallait surmonter un inconvénient majeur : la rapidité de la dégradation des poissons". D'où la nécessité de congeler les peaux après l'abattage.

Le cuir de saumon

Le traitement est différent suivant leur destination (vêtements, chaussures, etc). "Il a fallu mettre au point des bains adaptés au traitement préalable, un savoir-faire difficile à protéger". Le tannage proprement dit s'effectue dans un autre bain. "Il s'agit de remplacer les parties dégradables par des produits chimiques imputrescibles, ce qui provoque un changement d'état de la peau".

Le cuir de poisson. Echantillon :
- jaune : saumon
- bleu : julienne
- marron : perche du Nil
- rose : esturgeon.

"Une fois tanné, le cuir de saumon ressemble à une peau de reptile. Il est sans odeur. A épaisseur égale, il est plus résistant que les autres cuirs". Pascal Vuadelle fabrique aussi du cuir de julienne, d'esturgeon, de perche du Nil, et, d'autres poissons à titre expérimental. Le choix du cuir de poisson lui a permis de dépasser le déclin de la maroquinerie classique.

Le cuir de poisson convient très bien à la petite maroquinerie.

La laine d’algues

Du cuir à la laine, la mer est généreuse. Ted Lapidus, le grand couturier, recherchait une nouvelle fibre présentant une technicité. Par relations, il est entré en contact en septembre 1996 avec le Centre d'Etudes et de Valorisation des Algues (C.E.V.A.) de Pleubian et lui a demandé si les algues ne pouvaient pas fournir cette fibre. En quelques semaines, les chercheurs ont testé plusieurs algues, bretonnes et méditerranéennes, pour trouver la bonne formule. Les détails ne sont pas révélés, mais des fibres adaptées ont été obtenues après rouissage, comme pour le lin (ou le chanvre), et traitées pour devenir imputrescibles.

Elles ont été envoyées chez un artisan des Cévennes, pour filage et mise sur bobines. Le couturier les a travaillées avec d'autres fibres, pour réaliser une création présentée en janvier 1997. Des vêtements aux algues, l'idée est originale et mérite sans doute un développement. Mais, le prix de revient de cette fibre interdit aulourd’hui son utilisation dans le prêt-à-porter.

En cosmétique, l'affaire de la "vache folle" détourne les fabricants de tous les sous-produits d'animaux terrestres. D'où un engouement pour les algues qui sont à la fois végétales et marines, mouvement qui ressemble à une vague de fond. Dans ce registre, les produits foisonnent, comme cette formule, "super-phyco-dismutase", mise au point pas Secma-Biotechnologies et qui combat le vieillissement de la peau. Le secteur beauté-santé est d'ailleurs celui qui sollicite le plus la matière grise des chercheurs.

Médicaments à base d'algues.

Quelques innovations

  • Le foie du siki, un squale de grands fonds, est récupéré par les pêcheurs et laissé à l'air libre. Il se dégrade alors totalement en une huile appelée squalène, qui présente un intérêt pour des pommades à usage cosmétique.
  • Les poissons de grands fonds, comme le grenadier, produisent une huile qui remplace l'huile végétale de jojoba à usage cosmétique ou diététique. Sa vitamine E offre un pouvoir anti-oxydant plus fort que son équivalent de synthèse.
  • Des solutions gluantes aux extraits d'algues, contenant des semences de gazon et d'engrais, sont pulvérisées sur les percées routières. L'eau de pluie, au lieu de s'écouler, est absorbée et autorise le développement de la végétation. Ce procédé est appelé "hydro-mulching", ou engazonnement hydraulique.
  • L'agriculture utilise déjà le maërl comme engrais. Plusieurs sociétés bretonnes, Goémar, Even, Bioarmor, Secma, lui proposent aussi des engrais foliaires, aux extraits d'algues, qui contiennent des hormones de croissance des oligo-éléments et des sucres (oligo-saccharides). Ces produits, qui se pulvérisent sur les parties aériennes des plantes, stimulent leur croissance, donnent des fruits plus beaux et leur apportent une plus grande résistance aux excès d'eau.
  • Une semelle, fabriquée par les chaussures Noël, à Vitré, contient des extraits d'algues qui absorbent les odeurs et la transpiration.

Reportage (articles et photos) : Jacques Le Meur.