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Valorisation des sous-produits

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Une source de goûts et d'arômes marins

Les sous-produits, par exemple les " déchets " de filetage, les têtes, peaux, etc..., méritent une valorisation, dans le cadre d'usages alimentaires que l'on qualifie d'intermédiaires. Il en ressort des préparations qui ne sont pas consommées directement, mais qui contribuent à l'élaboration de produits de consommation. Les arômes, les fumets et les pulpes marines sont intégrés aux préparations des industries, plats cuisinés, soupes, bisques, surimis, et même pizzas, pour renforcer leurs goûts. Les algues sont mises à contribution dans le même sens.

Isnard Lyraz à Quéven : une banque d'arômes marins.

La société Isnard-Lyraz, 32 salariés, 29 millions de francs de chiffre d'affaires, basée à Quéven près de Lorient, fournit un bel exemple de ce type de valorisation, avec sa spécialisation sur les arômes de produits de la mer. Créée en 1987, elle a réunit les compétences de Lyraz (l'extraction) et d'Isnard (la formulation et le mélange), comme l'explique son directeur, Thaddée In. "Nous partons d'une matière première de laquelle nous extrayons les éléments qui nous intéressent". Il faudra ensuite trouver la bonne combinaison qui permettra de reproduire un goût ou une odeur. "Il s'agira d'imitation ou de création. Il est ainsi possible de produire un arôme de crabe sans crabe".

"La plupart des fabricants réalisent des synthèses chimiques de substances aromatiques. Ici, nous nous basons sur l'extraction, avec une orientation croissante vers le naturel. Nos matières premières sont essentiellement marines, notamment des sous-produits". Ce dernier terme ne doit pas être pris au sens de déchets. "Ils doivent en effet être traités avec le même soin que des produits nobles. Le sous-produit, c'est soit une partie de l'animal soit un produit de taille non commerciale ou encore une espèce sans réel marché". On peut ainsi citer la tête de homard, dont l'intérêt aromatique est supérieur à celui de la partie noble, les huîtres trop grosses (500 g et plus) ou encore le crabe vert.

Des sous-produits de qualité

Le recours aux sous-produits a une logique économique, leur prix doit correspondre à la qualité éxigée, mais ne doit pas excéder le niveau au-delà duquel nous ne pourrions plus nous les payer. Si nous concentrons cent fois une matière première à 1 F , le produit obtenu vaudra obligatoirement plus de 100 F, ce qui constitue un seuil psychologique !" Et cette concentration nous impose une qualité initiale irréprochable.

L'extraction s'effectue par des processus enzymatiques, dont les paramètres différent selon le produit originel et les substances visées. Les outils ne sont pas standardisés : développés spécialement, ils permettent à Isnard-Lyraz d'être technologiquement à la pointe.

Les produits sont ensuite conditionnés en poudre, en pâte ou sous forme liquide, conservés en températures positives ou négatives, suivant les types de préparations. Un produit naturel est généralement plus cher que son ersatz synthétique.

La production proprement dite requiert peu de main d'oeuvre. La société consacre d'ailleurs 10 % de son chiffre d'affaires à la recherche et au développement. Un laboratoire informatisé a élaboré plusieurs milliers de formulations, dont plusieurs centaines sur le seul crabe.

Cette masse de données est la source des 200 références actuellement commercialisées, qui sont aussi disponibles physiquement dans une "échantillothèque", constituée d'une multitude de flacons.

Chez Isnard Lyraz à Quéven, le réacteur d'entraînement à la vapeur sépare les odeurs et les récupère.

Echec à la pulpe

Les pulpes sont à la base de plusieurs préparations industrielles.

Dans les années 90, plusieurs tentatives ont été menées en Bretagne pour valoriser les sous-produits sous forme de pulpe de poisson. Les échecs trouvent leur source dans une conjonction de facteurs défavorables, principalement l'insuffisance des déchets en volume et des espèces peu adaptées. La pulpe de lieu noir, par exemple, est grise, alors que la meilleure pulpe est blanche. En Bretagne, le lavage par l'ozone a échoué, car il dégradait la qualité des produits. Les prix sont ceux du marché mondial, imposés par les pays qui travaillent les poissons blancs en très grandes quantités.

Toujours en Bretagne, le lancement d'une fabrication d'huile de chair et de sous-produits de poissons bleus (sardine, thon, maquereau) n'a pas pu se concrétiser. Ce produit, composé d'acides gras poly-insaturés, aurait fait face à un marché mondial très concurrentiel. L'exemple d'Isnard-Lyraz montre que l'échec n'est pas une fatalité, mais l'innovation ne peut échapper à la concurrence internationale.

Quelques innovations

Les déchets de filetage peuvent être recyclés dans l'élaboration d'aliments pour animaux domestiques. L'utilisation de farine animale dans l'alimentation des animaux d'élevage a pratiquement disparu depuis la "crise de la vache folle", elle est interdite en ce qui concerne les ruminants.

Les algues servent entre autres d'exhausteur de goût. Elles mettent en valeur la saveur de certains produits ou donnent une touche marine à certaines préparations. L'ulve ou laitue de mer, par exemple, apporte une touche de fraîcheur. Des algues intégrées à du fromage blanc peuvent lui donner une note "scandinave". Des fabricants ont aussi intégré du saumon à du fromage blanc.

Plusieurs entreprises proposent des aides culinaires à base d'algues, comme le sel aromatisé, les mélanges pour court-bouillon, les mélanges pour grillades.

Reportage (articles et photos) : Jacques Le Meur.