En lisant la Prisoninère de Proust, je m'aperçois qu'ici aussi, la première sensation matinale est souvent auditive. L'intensité du vent déterminera le déroulement de la journée. Si les rafales font grincer le batîment et claquemurer légèrement la porte de ma chambre, alors le chaland ne sortira pas. Filmer en extérieur, ne sera pas facile non plus. Le vent imbibera tous les sons, seuls peut-être les cris de goels* et les éructations des éléphants de mer pourraient le supplanter. Enregistrer ce vent n'est pas toujours aisé. Il sature tout sans modulation ni subtilité. Il faut le capturer dans des endroits où l'appareil d'enregistrement est hors d'atteinte. J'ai fini par l'attraper dans une des anciennes serres. Ces batîments à l'abandon ont été construits avec des plaques translucides qui avec le temps se sont désunies. Le vent s'engouffre goulument dans ces petits espaces et produit des claquements et autres sons dignes d'un jazzman. La double porte coulissante joue à elle seule un duo subtilement accompagnée par des graminées qui s'agitent comme des nuées d'étourneaux à la tombée de la nuit. La bibliothèque toute en bois aime aussi faire grincer ses planches sous les flux sud-ouest du vent qui remontent directement du front polaire. Elle me rappelle les chalets et refuges en montagne qui font le gros dos sous la tempête. Parfois, au détour d'un batiment, préoccupé par des pensées intérieures ou simplement par la faim, on se retrouve giflé par lui. Un soupçon de rage s'allume et se dissipe aussitôt. On lui permet un comportement qui parfois mériterait des excuses..
Site pour la carte des vents, animation et réactualisation toutes les 3 h : earth wind map. Sur cette photo, ce sont les vents de Kerguelen .
* diminutif de goélands