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Dans la cabine de pilotage

C’est la nuit. Tout le monde dort. Sauf les pilotes de Victor assistés de quelques scientifiques. Les yeux rivés sur les écrans, ils sont installés dans le container destiné à manipuler le robot et ses deux bras articulés, Maestro et Cherpa.

La tension est palpable : un câble de Victor reste coincé et empêche la connexion de Tempo, un instrument en fond de mer, avec le bord. Dans ce cas, la patience est de mise. Ça discute à voix feutrée pour trouver une solution. Avec prudence, les experts conduisent Maestro et Cherpa et tentent de tirer le câble vers le haut pour le débloquer. La manœuvre ne fonctionne pas. Vers le bas ? Toujours rien.

Julien Legrand, électronicien de l’Ifremer, ne pourra pas prendre les commandes de Tempo, ni de la caméra que celui-ci transporte. Ce n’est pas dramatique, car il est prévu que l’instrument revienne à la surface le soir-même pour sa maintenance et la récupération des données acquises durant l’année.

Victor au premier plan avec Cherpa. Tempo au second plan, avec ses entonnoirs blancs dédiés à la connexion. Mais le câble est trop court pour le branchement. La caméra de Tempo est dirigée vers un damier (en arrière-plan, à droite) qui permet d’estimer la taille de la faune environnante. L’instrument mesure en même temps le taux de fer et d’oxygène, ce qui indique la quantité de flux hydrothermal présent.

Changement de quart

Quatre ou cinq personnes sont constamment dans le container de pilotage : deux pilotes, un ou deux scientifiques spécialistes de l’expérience en cours et un associé qui tient le cahier de quart dans lequel il note scrupuleusement ce qui se passe minute par minute. L’équipe du container tourne toutes les quatre heures. À minuit, de nouvelles têtes à peine réveillées pointent leur nez à travers le rideau de la cabine. Il leur faudra tenir jusqu’au prochain roulement, au petit matin.

Pour l’heure, Céline Rommevaux (CNRS), Pauline Henri (doctorante CNRS) et Françoise Lesongeur (Ifremer) sont arrivées dans la cabine pour récupérer Cisics, un appareil de microbiologie placé au pied d’une cheminée.

En 2013 : la boîte Cisics à gauche, le module de colonisation dirigé vers le fumeur et une cheminée qui dégage des fluides hydrothermaux.

Le module de colonisation comporte du basalte, propice au développement des bactéries, ainsi que deux sondes de température. Il permettra aux scientifiques d’identifier les micro-organismes qui se développent à la périphérie des fumeurs, là où la température varie entre 70°C et 150°C.

Dans la boîte, des poches permettent de prélever du fluide. Le but : étudier l’impact des composants chimiques de l’environnement sur la population bactérienne et son habitat.

Même photo un an après. Le module de colonisation est tombé. Il est recouvert de sédiments.

La cheminée est poussée dans une boîte pour l'étude de sa composition.

Dans les labos du bateau

Une fois Cisics à bord, jeudi matin, les premiers résultats tombent : des bactéries se sont développées dans le colonisateur. Pauline Henri se charge d’en extraire l’ADN pour l’identification. Les sondes ont enregistré une importante hausse de température atteignant 265°C. Certaines parties du système ont crâmé. Quant aux poches, elles n’ont prélevé aucun fluide. Les analyses permettront d’en connaître la raison. Le système ne date que d'un an, le bilan mitigé ne surprend donc pas les chercheures. Il sera nettoyé et modifié avant d’être redéployé en fond de mer à la fin de la campagne.

Comme des navettes spatiales

Le poids de matériel que Victor peut rapporter à la surface est limité. Un ascenseur fait donc la navette pour transporter les sondes et les prélèvements réalisés sur le site de Lucky Strike. Lesté lors de sa mise à l’eau, il risque de tomber en plein milieu d’un site hydrothermal. La méthode pour l’éviter ? Viser exactement l’endroit où il ne faut pas qu’il tombe, car les courants l’emmèneront forcément plus loin.

La navette Nasa1 de l'Ifremer.

Trouvé à 1 700 m de profondeur...

...Une sonde à la mer adressée à Yann Houard, retraité de Génavir, l'entreprise d'armement des bateaux de l'Ifremer.

 

Crédit photos fond de mer : Ifremer-Victor/Campagne Momarsat 2014.