Poursuivons notre étude sur la pratique de la navigation astronomique sous les hautes latitudes. Pour naviguer, il faut savoir où l’on se trouve et où l’on va. Le plus simple, c’est de reporter sa position et sa route sur une carte. Au fait, comment construit-on une carte ?
Nous nous heurtons immédiatement à une première difficulté majeure, celle de la représentation de la Terre, surface arrondie, sur une carte, surface plane.
Le navigateur a besoin pour tracer ses routes et positionner son navire de deux informations capitales : le cap (c’est-à-dire l’angle entre la direction du navire et le Nord) et les distances. Il lui faudrait donc utiliser une carte qui respecte ces deux données. Malheureusement, aucune représentation de la Terre n’est en mesure de satisfaire ce besoin. Il faut choisir entre une projection dite « conforme », celle qui préserve les angles, et une projection « équivalente », celle qui préserve les rapports de surface. Nous en concluons donc que, quelle que soit la représentation choisie, elle « déforme » la réalité.
Que sont ces représentations ?
La représentation « conforme » la plus utilisée par les marins, encore de nos jours, est celle réalisée par le mathématicien flamand Kremer, dit « Mercator », en 1556.
Prenons une sphère, plaçons une source lumineuse à l’intérieur et perçons des trous à l’emplacement des parallèles. Plaçons cette sphère à l’intérieur d’un cylindre et étudions la trace des points lumineux. Nous obtenons des méridiens, incurvés sur Terre, représentés sur la carte sous forme de droites verticales. Les parallèles sont transformés en droites horizontales. Nous avons notre repère orthonormé sur lequel nous pouvons porter un point en deux dimensions, latitude et longitude.
Si les angles sont conservés, les distances ne le sont pas. Nous constatons facilement qu’une même distance au niveau de l’équateur n’est pas représentée par la même valeur quand la latitude augmente. De plus, on admet que 70° de latitude est une valeur limite pour ce genre de projection car la déformation des surfaces augmente de façon considérable au-delà.
Pour les zones polaires, ou les cartes transocéaniques, d’autres types de projection seront obligatoirement utilisés. Elles se regroupent par catégories selon la position du point de contact, l’origine du point de vue ou la surface de projection.
Ce sont les projections « équivalentes »
Une fois résolu le problème de la carte, il faut déterminer comment tracer une route sur cette carte.
Faisons un peu de sémantique :
On appelle « grand cercle » tout cercle dont le plan passe par le centre de la Terre. Les plus connus sont l’équateur et les méridiens mais il y en a une infinité d’autres.
On appelle « petit cercle » tout cercle dont le plan ne passe pas par le centre de la Terre.
Entre deux points à la surface du globe, la route la plus courte est un arc de grand cercle. On l’appelle route « orthodromique ». Le problème est que cette route, directe sur la sphère, est une courbe sur la carte en raison du redressement des méridiens (qui apparaissent droits sur une carte). Il est donc difficile de tracer cette route « orthodromique » sur une projection Mercator.
A l’inverse, une route, droite sur une carte Mercator, devient courbe sur la sphère. C’est une route « loxodromique » (route à cap constant). En raison de l’avantage des cartes Mercator (le respect des angles), nous choisissons de tracer des tronçons loxodromiques de relativement courte distance le long du grand cercle orthodromique pour naviguer du point « A » au point « B ».
Route loxodromique
Route orthodromique
En se rapprochant des pôles, la courbure des méridiens devient telle qu’il est impossible, nous l’avons vu, d’utiliser un canevas Mercator
Nous utiliserons une projection « oblique » qui permet de tracer sur la carte des routes orthodromiques. Il faut alors pour le navigateur corriger en permanence sa route pour rester sur sa trajectoire.
Nous connaissons maintenant le principe de la navigation astronomique, nous savons faire la différence entre une route orthodromique et une route loxodromique, nous pouvons utiliser le type de carte le mieux adapté à notre type de navigation, nous sommes prêts à répondre à notre question initiale, la navigation astronomique sous les hautes latitudes est-elle possible. Ce sera l’objet de notre prochain article.