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La navigation astronomique, mode d'emploi 3/3

La navigation astronomique est-elle possible sous les hautes latitudes ? (suite et fin)

Pour arriver à la fin de notre démonstration, nous devons encore donner quelques explications physiques sur notre globe.

En augmentant sa latitude, on finit par franchir une ligne imaginaire qui de nos jours encore donne lieu à une cérémonie d’initiation chez les marins : le cercle polaire.

Quelques rappels : il y a un angle de 23°27 entre le plan de l’équateur et le plan de l’ « écliptique » (le cercle sur lequel tourne la Terre autour de son astre). Le déplacement relatif du Soleil autour de nous correspond donc à une spirale entre les latitudes 23°27 N et 23°27 S.

Aux équinoxes, le Soleil se trouve dans le plan de l’équateur et éclaire la moitié de la planète comprise entre les pôles.

Aux solstices, le Soleil se trouve à sa déclinaison maximale. Il éclaire toujours la moitié du globe mais celle-ci ne se trouve plus entre les pôles, elle se trouve entre 66°33N et 66°33 S (90° - 23°27). Ces lignes s’appellent cercles polaires.

 

Au delà de cette valeur, nous nous trouvons au solstice, soit dans le jour permanent, soit dans la nuit permanente. Les autres jours de l’année, la ligne de démarcation varie suivant la déclinaison du Soleil. Nous nous trouvons en ce moment dans la nuit permanente : il est donc impossible d’effectuer une navigation astronomique sur le Soleil.

Certes il reste les étoiles. Si en théorie, c’est tout à fait possible, la réalité est plus compliquée car nous sommes en hiver boréal, saison ou le ciel est très souvent masqué par des nuages.

D’autres problèmes viennent encore compliquer notre tâche.

Ils proviennent du principe-même que nous utilisons pour effectuer notre recalage sur observation astronomique développé dans notre premier article.

Reprenons.

Nous avons rapidement considéré que la courbure du cercle de hauteur, compte tenu de son rayon, était négligeable. Voyons tout de même cela d’un peu plus près.

Négliger la courbure revient à confondre un cercle et sa tangente en un point. Or plus le cercle est petit, plus l’erreur est importante. On peut assimiler cet écart à celui qui sépare une route loxodromique, droite sur une carte à une route orthodromique, directe sur la sphère.

De savants calculs ont démontrés que l’erreur devient supérieure à 1 mille nautique quand les conditions suivantes sont réunies :

-  Hauteur de l’astre supérieure à 80° ;

- écart entre cercles de hauteur vrai et estimée supérieur à 30 milles nautiques ;

- latitude supérieure à 60°. Ca tombe mal.

Une deuxième erreur est due à une approximation de l’azimut, elle aussi provenant de l’écart entre un azimut orthodromique et loxodromique. Cet écart résulte, nous l’avons vu dans le deuxième article, du rapprochement des méridiens vers les pôles.

Là encore, cette erreur devient significative quand les conditions énoncées ci-dessus sont réunies.

Enfin, l’ellipticité de la Terre induit une dernière imprécision dans notre calcul. En effet la Terre n’est pas sphérique mais légèrement aplatie aux pôles.

Au final, la pratique de la navigation astronomique dans les hautes latitudes, si elle n’est pas impossible, reste entachée de nombreuses imprécisions qui ramènent son emploi à celui d’un moyen de secours. La nuit quasi permanente en notre saison, la couverture nuageuse très dense, et surtout le resserrement des méridiens sont autant de freins à son usage.

Cependant, outre la nécessité d’observer le ciel à des fins pratiques, la beauté magique de certains phénomènes oblige les marins à regarder la nuit avec des yeux éblouis.

Aurore Boréale, Frégate « La Motte Picquet » le 15 novembre 2014