BLOG
BILLET
MULTIMEDIA
Partager

Le danseur du toit du monde

Rémy Marion

De sa démarche régulière tel un métronome marquant la cadence de l'Arctique, l'ours polaire parcourt sans cesse la banquise, le museau au vent pour capter les moindres indices de la présence de son gibier favori : les phoques. À chaque pas, il pose la patte sur la croûte de neige gelée en laissant à peine une trace, comme un graveur sur du cristal de Baccara. Mais avril est un bon mois, celui des jeunes phoques marbrés, cachés dans l'igloo de neige que la femelle a creusé. L'ours inspecte chaque crête de glace pour détecter la présence du blanchon sous la neige. Si son flair aiguisé frémit sous les effets d'une odeur connue, le carnivore pèse de tout son poids pour effondrer la tanière et se précipiter la tête en avant pour saisir sa proie avant qu'elle ne s'échappe. Parfois, le phoque est plus rapide et rejoint l'océan avant de finir dans la mâchoire de l'ours. Le prédateur doit repartir d'un même pas souple  vers de nouveaux horizons.

Comme banni sur le toit du monde, éternel errant à la recherche de sa pitance dans un univers monochrome et sans repère, son pas de danseur à l'élégance désinvolte,  sa stature imposante,  ne doivent pas faire oublier la fragilité de l'espèce.

Mécanique de précision pour vivre dans un milieu exigeant, le moindre dérèglement met l'espèce en danger. À quoi bon militer pour protéger l'ours polaire si la banquise se délite sous ses pattes ? Les 20 000 ours polaires dispersés dans l'Arctique semblent bien une quantité négligeable face aux assauts du réchauffement et des enjeux géopolitiques.

Mais l'ours polaire dansera toujours sur le toit du monde avec la grande ours qui scintille dans le ciel boréal.