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Définition d'El Niño

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Que sont El Niño et l'Oscillation Australe ?  

Connu depuis longtemps par les pêcheurs péruviens pour son apparition vers Noël ("El Niño" désigne l'enfant Jésus en espagnol), ce phénomène a été progressivement compris par les scientifiques à l'échelle de la relation globale entre l'océan et l'atmosphère.

El Niño est une partie d'un cycle climatique et océanique, l'Oscillation Australe, qui affecte l'ensemble de l'Océan Pacifique en déplaçant régulièrement l'équilibre entre hautes et basses pressions, vents et masses d'eaux le long de l'équateur.

En année normale, les basses pressions entraînent la formation de nuages (cumulonimbus) et des pluies abondantes au-dessus de l'Indonésie et de l'Asie du Sud-Est. El Niño déplace cette activité de plusieurs milliers de kilomètres vers la Polynésie. Lors des épisodes El Niño, l'énorme masse d'eau chaude (28 à 29 °C) accumulée par les alizés sur le bord Ouest du Pacifique s'écoule vers l'Est, recouvrant la majeure partie de la bande équatoriale et bloquant la remontée des eaux froides et nutritives le long des côtes d'Amérique du Sud.

Masses d'air et masses d'eau...  


Les alizés, qui soufflent vers l'ouest dans la partie tropicale  des océans, poussent devant eux les eaux de surface qui se réchauffent et s'accumulent dans la région Ouest du Pacifique. Ce gigantesque "réservoir d'eaux chaudes" à plus de 28 °C (en rouge et orange sur la carte) provoque une intense évaporation et donc une pluviosité abondante sur l'archipel indo-australien. 

La circulation équatoriale est alimentée par des remontées d'eaux froides (upwelling) le long des côtes Est du Pacifique, qui entraînent un enrichissement biologique des couches superficielles mais aussi un climat très sec. 
Cet équilibre entre hautes et basses pressions, vents et courants sur l'ensemble du Pacifique, est affecté par un déplacement régulier de ses centres d'action le long de l'équateur : l'Oscillation Australe.

Au sein de ce cycle, El Niño ne désigne que la manifestation de la phase chaude sur le côtes de l'Equateur, du Pérou et du Chili.

Le cycle d'Oscillation Australe

L'apparition d'El Niño et l'évolution de l'Oscillation Australe se visualisent beaucoup plus clairement par les anomalies des principaux paramètres océaniques et climatiques, c'est-à-dire par leurs écarts par rapport à une situation moyenne (calculée sur de nombreuses années). Ainsi au début de 1983, la masse d'eaux  chaudes couvre tout le Pacifique équatorial (à gauche : température réelle), mais ce n'est que dans sa partie Est que la température de surface est "anormalement" élevée, avec des écarts dépassant localement 5° C par rapport à la moyenne (à droite : anomalies de température).  

L'animation qui suit montre l'alternance des phases chaude et froide de l'Oscillation Australe et les anomalies de niveau de la mer, de profondeur de la thermocline, et de température de surface dans le Pacifique.

Années"normales" et années "El Niño"

Diagramme : Années "normales" et années "El Niño

Périodiquement, la répartition des phénomènes climatiques et océaniques le long de l'équateur subit un ensemble de perturbations sans qu'on sache encore bien lesquelles sont des causes et lesquelles sont des conséquences. Ce bouleversement touche la force et la direction des vents, l'épaisseur et la température des masses d'eau, et la position des zones de convection. 

Convection : déplacement des basses pressions

En année normale, les basses pressions sont au-dessus de l'Indonésie et de l'Asie du Sud-Est. Les remontées d'air chaud et humide entraînent la formation de nuages (cumulonimbus) et des pluies abondantes. Dans la phase chaude du cycle d'Oscillation Australe(année El Niño), cette activité de convection se déplace de plusieurs milliers de kilomètres vers le centre du Bassin Pacifique, à la hauteur de la Polynésie.

Les satellites détectent la température très froide du sommet de ces nuages et permettent d'en cartographier la répartition. La carte ci-dessous montre les écarts d'abondance de ces nuages en décembre 1997, par rapport à la situation moyenne du même mois : dans cette situation El Niño caractéristique, la partie centrale du Pacifique équatorial est exceptionnellement couverte (en gris foncé), alors que l'archipel indonésien connaît un déficit très marqué (en orange et rouge)

Vent : affaiblissement ou renversement des alizés

En année normale, l'ensemble du Pacifique équatorial est balayé par les alizés, qui soufflent régulièrement en vitesse et en direction, et qui sont responsables de l'accumulation du "réservoir d'eaux chaudes" dans la partie Ouest de l'océan.
Dans la phase chaude du cycle d'Oscillation Australe (année El Niño), les alizés s'affaiblissent ou s'annulent sur la majeure partie de la zone intertropicale pacifique, parfois même inversent leur direction en soufflant vers l'Est. C'est ce relâchement qui déclenche l'écoulement de la masse d'eaux chaudes sur l'ensemble du bassin, ainsi que des phénomènes très complexes d'ondes qui se propagent d'une extrémité à l'autre de l'océan.  

Masses d'eau : étalement de la masse d'eau chaude

En année normale, les alizés accumulent une masse énorme d'eau chaude (28 à 29 °C) sur le bord Ouest du Pacifique, dont le niveau moyen est plus élevé que celui du bord Est. En année El Niño, les vents s'affaiblissent et cette eau s'écoule vers l'Est, recouvrant la majeure partie de la bande équatoriale et bloquant la remontée des eaux profondes, froides et nutritives, le long des côtes d'Amérique du Sud. Le blocage de cet "upwelling" a d'importantes conséquences sur le climat côtier, ainsi que sur les écosystèmes et leur exploitation par la pêche. Le long de l'équateur, la couche limite entre eaux chaudes de surface et eaux profondes froides (thermocline), est presque parallèle à la surface.

Un peu d'histoire des sciences...

Depuis longtemps, les pêcheurs péruviens avaient remarqué que certaines années, l'eau est plus chaude et l'anchois moins abondant à l'approche de Noël, d'où le nom "El Niño" (l'enfant Jésus).

Dans les années 1920 et 1930, le britannique G. Walker essayait de prévoir l'intensité de la mousson en Inde ; il mit en évidence un mouvement de va-et-vient des pressions atmosphériques entre les deux extrémités du Pacifique tropical, qu'il appela "Oscillation Australe". Une compréhension plus globale n'apparut que dans les années 1960, avec la découverte de la relation entre El Niño et l'Oscillation Australe. Dès lors, climatologues et océanographes associent de plus en plus étroitement leurs recherches et mettent en œuvre des moyens très lourds, pour recueillir des données (navires, satellites, réseaux de mesures) et pour les traiter (ordinateurs, modèles mathématiques).

Une des questions les plus étudiées actuellement est celle des conditions de déclenchement d'un évènement El Niño, et notamment l'origine et le rôle des coups de vents d'Ouest au nord de l'Australie, qui le précèdent en général. Les liens entre régions océaniques tropicales et subtropicales sont aussi très étudiés, dans ce contexte de variabilité. Un défi majeur pour la recherche est enfin la modélisation couplée de l'océan, de l'atmosphère, et de leur interaction, qui doit permettre d'améliorer les prévisions climatiques.