Joseph Kerguéris est vice-président du Conseil régional de Bretagne. Chargé du développement économique, il a la responsabilité du programme Britta. " Plus qu'un programme de recherche, c'est un dispositif régional de transfert de technologie. Créé en 1989, il devait sensibiliser les entreprises des secteurs agro-alimentaire et cosmétique, aux nouvelles technologies qui sont en train de révolutionner les sciences du vivant : le génie génétique, la biologie moléculaire, le génie enzymatique, les techniques d'extraction, de purification... Le bilan dressé aujourd'hui montre que les entreprises bretonnes ont largement profité de cet élan pour créer de nouveaux produits et de nouveaux procédés de fabrication ."
Réseau : Comment est née l'idée du programme Britta ?
Joseph Kerguéris : C'était en 1987 : deux membres du Conseil économique et social, Jean-Pierre Curtes, président de l'université de Rennes 1, et Claude Guérillot, professeur de chimie, ont proposé au CES une autosaisine qui avait pour objet d'examiner l'intérêt que pouvait avoir, pour la Bretagne, la création d'un programme sur les biotechnologies.
Le terme "biotechnologies" était à l'époque une mode, venue de la côte ouest des Etats-Unis. Là-bas, ce mot désigne un ensemble de recherches de très haute technologie, regroupant principalement tout ce qui touche au génie génétique. Ces recherches étant coûteuses et de longue haleine, les Américains ont fait appel à des sociétés de capital-risque pour financer leur programme. En Bretagne, nous sommes restés modestes : le terme "biotechnologies" désigne chez nous l'ensemble des outils permettant d'améliorer les produits, notamment les produits intermédiaires, et les procédés de fabrication dans l'industrie agro-alimentaire et cosmétique. Cette version "rustique" des biotechnologies s'est avérée bien plus réaliste que le concept "pur et dur" prôné par les Américains, dont la plupart des recherches dans ce domaine n'ont pu aboutir. La Région n'a pas pour vocation de financer de la recherche, mais de favoriser le développement économique. Nous avons choisi de le faire en donnant un coup de pouce à l'innovation, ce qui nous a naturellement amenés à participer au financement de certaines recherches avant de pouvoir développer un nouveau produit.
Réseau : Comment fonctionne le dispositif ?
J. K. : Dès 1989, nous lancions un nombre important d'opérations de communication : participations à des salons internationaux, missions à l'étranger, parutions... Depuis, nous avons allégé ce dispositif, afin de consacrer davantage nos ressources au financement du programme lui-même. Ce sont principalement des subventions aux entreprises, pour leur permettre de développer un nouveau produit ou un nouveau procédé de fabrication. Le bilan des 7 premières années montre que ces subventions ont eu un effet de levier : c'est-à-dire que 1 F de subvention a généré 5 F d'investissement industriel. Ce qui porte l'ensemble de ces investissements à 300 millions de francs en 7 ans.
Mais il y a aussi l'effet "label" : le fait d'être menées dans le cadre de Britta a permis à certaines recherches d'être mieux perçues par les partenaires industriels, qui se sont ensuite montrés plus coopératifs pour le développement et la commercialisation des nouveaux produits. La marque de confiance qui accompagne le label Britta est liée à la procédure : les dossiers acceptés, plus de 150, ont passé l'examen d'une expertise extérieure, puis celui d'un comité, que je préside, et qui comporte divers organismes comme la Banque de France, l'Anvar (1), la Draf (2), la Drire (3), etc.
Réseau : Quels ont été les enseignements de ces 7 premières années ?
J. K. : Même si l'état des connaissances, celui des marchés et des tendances, ont beaucoup évolué ces dernières années, le dispositif Britta reste parfaitement d'actualité. Les domaines concernés sont les mêmes aujourd'hui qu'il y a 7 ans, leur choix au départ étant suffisament large. L'important n'est pas d'aider un domaine en particulier, mais de participer à la mise en oeuvre de toutes les bonnes idées, d'où qu'elles viennent. L'action soutenue étant l'innovation, il est normal de prendre certains risques en finançant des recherches qui évoluent dans le temps. Prenons par exemple l'utilisation des extraits algaux dans l'industrie cosmétique : la crise actuelle de la vache folle va certainement favoriser l'utilisation des algues en remplacement des extraits d'origine animale. Nous ne pouvions le prévoir, mais notre dispositif est suffisamment réactif par lui-même pour s'adapter à ce nouveau paysage.
C'est ce qui nous a le plus marqués dans ce programme : sa flexibilité, la rapidité avec laquelle les personnes concernées se sont habituées à travailler ensemble. On retrouve, chez l'ensemble des participants, certaines dispositions intellectuelles comme la curiosité, la réactivité, qui garantissent la qualité des innovations marquées par le sceau Britta.
Propos recueillis par Hélène Tattevin
Rens. : Britta, service communication, tél. 02 99 02 97 15
(1) Anvar : Agence nationale pour la valorisation de la recherche.
(2) Draf : Direction régionale de l'agriculture et de la forêt.
(3) Drire : Direction régionale de la recherche, de l'industrie et de l'environnement.