Les parfums de l’Antiquité

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N° 253 - Publié le 11 décembre 2014
© Dominique Frère
Les chercheurs ont commencé leur enquête en janvier, près de Rome, dans une nécropole étrusque du VIIe siècle avant notre ère. Ils ont prélevé des restes de parfum dans plusieurs dizaines de flacons.

Comment connaître les secrets des parfums antiques ? En croisant des études chimiques et des analyses ADN. Cette approche inédite démarre à Lorient.

Ces petits flacons sont des concentrés d’Histoire. Entre le VIIIe et le VIe siècle avant notre ère, les échanges de parfum explosent en Méditerranée. Des dizaines de milliers de flacons circulent entre le Péloponnèse, la Crète ou les comptoirs phéniciens jusqu’à l’Italie, le sud de la France ou l’Espagne. Dans les rites funéraires, la toilette, la santé ou la pharmacie, le parfum est partout. En se parfumant, l’Ibère et l’Étrusque se comportent comme un Grec ou un Proche-oriental : c’est la naissance d’une économie-monde.

« L’apparition du parfum en Méditerranée occidentale est liée à l’avènement des grandes civilisations antiques : grecque, latine, étrusque ou carthaginoise », explique l’historien Dominique Frère, maître de conférences à l’Université de Bretagne sud, à Lorient. Le céramologue coordonne un programme de recherche de trois ans baptisé Perhamo(1), pour “Parfums et résidus huileux archéologiques de la Méditerranée occidentale”. Le laboratoire Solito-Cerhio(2) de l’UBS pilote ce projet, qui associe trois autres équipes françaises d’archéologues, de chimistes et de spécialistes des analyses ADN.

L’iris, la rose, la myrrhe

Les parfums de l’Antiquité sont connus grâce aux textes romains, grecs et aux hiéroglyphes. Les inscriptions sur un vase, en céramique ou en pierre, donnent des indices sur la destination du parfum, son statut et la divinité invoquée. On sait que la lavande et la menthe étaient courantes. On utilisait l’iris, la rose, ou des produits coûteux comme la myrrhe, plus de la résine de pin, pour fixateur. Mais sur cette époque charnière, du VIIIe au VIe siècle, aucun texte ne décrit la technique elle-même ! Il faut donc analyser les flacons et, surtout, les résidus solidifiés du parfum.
Des études chimiques, la “chromatographie en phase gazeuse”, permettent d’identifier les matières grasses, cires, résines et essences, prises dans la céramique. Mais ces recherches ont toujours été ponctuelles, sur quelques flacons. Ici, le projet est ambitieux : 200 vases seront analysés, dans une approche statistique. Les chercheurs n’étudieront pas des flacons conservés dans les musées, dont on sait peu de choses, mais ceux découverts sur des chantiers archéologiques récents : en Sardaigne, en Toscane, en Sicile, en Afrique du Nord (Carthage) ou dans le port de Marseille... dans des nécropoles, des sanctuaires ou des habitats.
La grande originalité de cette recherche réside dans le couplage entre les études chimiques et l’analyse ADN. « L’ADN sert à identifier les familles végétales de manière plus fine. 

Nous pouvons, par exemple, savoir de quel type d’olivier, domestique ou sauvage, provient une huile d’olive.

 Nous sommes aussi dans l’histoire de l’agriculture », souligne Dominique Frère. 

L’ADN permet de savoir de quel animal provient la graisse utilisée dans un parfum : cholestérol d’un porc, d’une oie ou d’un singe.
Ces informations sont reliées à la dimension symbolique de cet animal, avec la collaboration de confrères archéozoologues.
 


Les flacons mesurent quelques centimètres de haut.
Ce magnifique hérisson a été découvert en janvier.
© Nicolas Garnier

L’origine du parfum

Cette recherche va permettre d’en savoir plus sur l’évolution des techniques de parfumerie et les transferts technologiques en Méditerranée occidentale. La présence éventuelle de résines exotiques, comme l’encens, permettra de cartographier les échanges. « Cette recherche va confirmer ou rejeter l’hypothèse sur l’origine proche-orientale du parfum. » À partir des signatures chimiques dans les parfums, les chimistes établiront aussi un référentiel inédit des espèces végétales qui vivaient en Méditerranée, il y a 3000 ans. La première campagne s’est déroulée en janvier, au nord de Rome, la seconde est prévue en mai-juin, sur une épave, près d’une île italienne. 

Nicolas Guillas

(1)Financé par l’ANR (Agence nationale de la recherche).
(2)Cerhio (Centre de recherche historique de l’Ouest) CNRSUMR6258. www.univ-ubs.fr/cerhio.

Dominique Frère
Tél. 02 97 87 29 79
dominique.frere [at] univ-ubs.fr (dominique[dot]frere[at]univ-ubs[dot]fr)

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