La science se fait muse

N° 254 - Publié le 10 décembre 2014
© L’atelier d’images-Henriette Ponchon de Saint-André

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Des artistes travaillent la matière scientifique. Leurs œuvres ouvrent de nouveaux champs de recherche.

Arts et sciences. Deux univers qui se croisent, ponctuellement. Par exemple, lorsque le paléanthropologue Pascal Picq s’associe à la compagnie de danse Hallet Eghayan pour chorégraphier l’évolution (photo ci-dessus). Le spectacle s’est joué dans les grandes villes de l’Ouest jusqu’en avril. L’initiative surprend ! Comment transposer une approche scientifique en démarche artistique : comment traduire l’évolution par une danse ?

Les démarches communes ne sont pas légion. Parfois, les artistes s’inspirent ou utilisent les sciences. Plus rarement semble-t-il, en tout cas en Bretagne, les scientifiques se mettent en scène, en images, en sons... Pourtant ils apportent volontiers leurs compétences aux artistes pour leur permettre de donner vie à leurs projets. Les spécialistes de l’informatique en particulier, notamment à l’Irisa(1), sont sollicités pour les arts dits “numériques”.
Ils développent alors des programmes spécifiques. 

Le tas et la spire

Brigitte Joinnault aborde ces relations entre arts et sciences avec une double culture. Titulaire d’un doctorat en mathématique et informatique, elle a aussi été comédienne professionnelle pendant une quinzaine d’années. Aujourd’hui, en tant que chercheur en études théâtrales et maître de conférences associé à l’Université de Rennes1(2), elle décrypte ces liens avec des étudiants scientifiques qui ont choisi de suivre son enseignement optionnel de “sciences et mises en scène”.

« Ils acquièrent des repères sur ce qu’ont été les relations entre arts et sciences au fil de l’histoire. Puis ils apprennent à se poser des questions face aux objets... », relate Brigitte Joinnault. Les “conférences spectaclisées” du XIXe siècle et autre mise en scène théâtralisée autour d’un sujet scientifique n’ont plus de secrets pour eux. Que la physique quantique inspire la prose du contemporain Armand Gatti ou que Pierre Meunier mette en scène la matière ne les surprend pas. Ce dernier a créé l’une de ses pièces, “Le tas” à Saint-Jacques-de-La-Lande (35) en 2002. Il y parle du tas, de la spire... un travail issu de sa contemplation et d’échanges avec des physiciens.

Une question d’éducation

Le public est parfois déconcerté par de telles initiatives. Mais, ce qui le surprend est-ce le lien entre l’art et la science ou, simplement, son manque de repères dans l’un et l’autre de ces univers ? Car l’un des points communs entre l’art et la science est de nécessiter certaines connaissances, une culture et un vocabulaire. Le spectateur s’éduque aux sciences comme il s’éduque à l’art.

Autres points communs : faire face aux préjugés et observer le monde. « Et, aujourd’hui, ce qui caractérise les démarches artistiques et scientifiques c’est leur volonté d’appréhender le réel, souligne Brigitte Joinnault. Croiser leurs méthodes et leurs regards apporte de nouvelles approches. »

Ces regards croisés ouvrent de nouvelles perspectives pour la création, mais aussi pour la recherche. Les arts deviennent des terrains d’expérimentation et la science, une source d’inspiration.

Une “glaciomobile” pour les pôles

Une station qui se déplace sur la glace. C’est le concept imaginé par Catherine Rannou, artiste et architecte bretonne, suite à son séjour dans la base Dumont d’Urville en Antarctique, lors de l’été austral 2007-2008(3).
« Les modules statiques qui servent aux scientifiques à la fois de laboratoire et de lieu de vie doivent être adaptés à un projet de recherche en mouvement, au fil de leurs arpentages et prélèvements », constate Catherine Rannou. À son retour, elle imagine une station qui se déplace sur la glace, une “glaciomobile”. L’idée était déjà en gestation à l’Institut polaire Paul-Émile-Victor (Ipev).
Le laboratoire de glaciologie et de géophysique de l’environnement de Grenoble en était demandeur. L’artiste et architecte s’est lancée dans ce nouveau projet(4), en mars, en collaboration avec l’Ipev. Un projet architectural ?
« Pas simplement ! C’est difficile de faire la part de l’architecture et de l’art dans ce projet qui s’adresse aux scientifiques. Toutes ces approches sont liées. »

Catherine Rannou
http://catherine-rannou.blogspot.com/
Michèle LE GOFF

(1)Institut de recherche en informatique et systèmes aléatoires.
(2)À l’Institut de formation supérieure en informatique et communication (Ifsic).
(3)Elle est partie grâce à Arts aux pôles dans le cadre de l’Année polaire internationale.
(4)Le projet est soutenu par le ministère des Affaires étrangères dans le cadre de la bourse Cultures France Hors les murs 2008.

Brigitte Joinnault
Tél. 02 99 84 75 66
brigitte.joinnault [at] univ-rennes1.fr (brigitte[dot]joinnault[at]univ-rennes1[dot]fr)

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