Les forêts d’algues brunes

N° 255 - Publié le 4 décembre 2014
© Yves Gladu

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Le parc va rejoindre le programme Ecokelp, qui étudie les forêts d’algues brunes. Un autre projet les cartographiera.

«Nous sommes en contact avec le parc marin, car il était logique que nous travaillions ensemble sur ce projet. » Myriam Valero, biologiste à la station biologique de Roscoff, coordonne le programme Ecokelp, lancé début 2007 et financé par l’ANR(1). « L’un des objectifs est de comprendre le rôle des algues brunes dans la biodiversité côtière. Et la mer d’Iroise compte parmi les plus grands champs de laminaires d’Europe ! C’est une espèce modèle de gestion durable d’une ressource. » Les grandes algues brunes, appelées “kelps”, forment des forêts sous-marines. Certaines sont exploitées par une soixantaine de bateaux en Bretagne, pour une foule d’applications, depuis les aliments jusqu’aux médicaments. Elles servent d’alimentation et d’abri à des poissons, des mammifères ou des invertébrés.

Les récoltes diminuent

Mais depuis neuf ans, les récoltes d’une espèce d’intérêt économique, Laminaria digitata, diminuent, en faveur d’une algue concurrente Sacchoriza polyschides. Est-ce le changement climatique qui modifie leurs répartitions ?

Le parc étant situé aux limites nord ou sud des différentes espèces, les chercheurs veulent en savoir plus. « Le projet veut aussi montrer l’importance sociale et économique des forêts de laminaires, poursuit Myriam Valero. Le public est sensible aux menaces qui pèsent sur les barrières de corail, dans les eaux chaudes. Mais ces forêts d’algues sous-marines, emblématiques des côtes tempérées froides, sont aussi essentielles dans l’écosystème ! » Ecokelp réunit des biologistes, mais aussi des spécialistes des sciences sociales et économiques. Les chercheurs de la station biologique de Roscoff(2), de l’IUEM(3) et de l’Ifremer(4) collaborent avec des confrères de la station marine de Wimereux (62), du Portugal et du Chili, car les laminaires qui les intéressent vivent sur les côtes nord-européennes et chiliennes. Les pêcheurs et les industriels des algues, ainsi que la LPO(5), sont partie prenante. Les conclusions sont attendues fin 2009.

L’an prochain, un autre projet étudiera la répartition, mal connue, des champs de laminaires près du littoral. À l’Ifremer de Brest, le service des applications géomatiques(6) veut les cartographier. « Les études des biologistes sur ces algues peuvent être limitées par la fiabilité des données, explique Jacques Populus, responsable du service. En comparant l’étendue des champs de laminaires à différentes époques, on ne peut pas savoir si ces variations sont dues aux instruments de mesure ! »

Par satellite, en avion, en bateau

Du fait de leur exploitation, les champs d’algues exceptionnels de l’archipel de Molène sont, eux, bien connus. Jacques Populus souhaite s’y intéresser de plus près en 2009, en collaboration avec le parc naturel marin. « Nous devrons d’abord réfléchir aux outils à utiliser », souligne l’ingénieur.

En mer d’Iroise, les courants et la météo rendent la plongée difficile. C’est le moyen d’observation le plus long... mais c’est surtout le plus fiable. « Les algues qui se découvrent à marée basse, comme les fucus, sont cartographiées à partir de photos satellites. Mais les laminaires, immergées même lors des grandes marées, ne sont pas visibles sur ces photos. »

Les scientifiques doivent donc trouver un compromis entre des mesures fiables, sur des zones réduites, et des solutions à grande couverture, aux résultats peu satisfaisants. Aujourd’hui, ils associent plusieurs approches : photos aériennes ou satellites, profils acoustiques, plongées et prélèvements de terrain. Une autre piste est à l’étude : le Lidar(7), un outil basé sur la réflexion de faisceaux laser sur les fonds. « Ce système est utilisé, en général, pour des mesures de relief terrestre par avion. En mer, il donne des informations précises sur le relief des petits fonds, mais sa capacité à identifier leur nature est encore à l’étude. » En mer d’Iroise, les recherches ne font que commencer !

Nicolas GUILLAS et Alice VETTORETTI

(1)Agence nationale de la recherche.
(2)Associant plusieurs équipes du laboratoire Adaptation et diversité en milieu marin (UMR7144 CNRS-UPMC) et du laboratoire Végétaux marins et biomolécules (UMR7139 CNRS-UPMC).
(3)Institut universitaire européen de la mer.
(4)Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer.
(5)Ligue pour la protection des oiseaux.
(6)Du département Dyneco (Dynamiques de l’environnement côtier).
(7)Light Detection and Ranging.

Myriam Valero
Tél. 02 98 29 23 28
valero [at] sb-roscoff.fr (valero[at]sb-roscoff[dot]fr)
Jacques Populus
Tél. 02 98 22 43 10
jpopulus [at] ifremer.fr (jpopulus[at]ifremer[dot]fr)

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