On a dessiné sur les murs

N° 271 - Publié le 7 août 2014
© Hervé Paitier - UMR 6566
Dessin au fusain dans la grotte Mayenne-Sciences. Cette image est un assemblage d’une trentaine de photos. Une vue classique (grand angle) aurait déformé le dessin.

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L’Homme n’a pas vécu dans ces deux grottes-là. Mais il les a décorées ! Récemment, on n’y voyait pourtant que du feu.

«Au début, on ne savait pas que les décors étaient là. On ne trouve que ce que l’on cherche ! » Dans la grotte Margot, située face à celle de la Chèvre (lire p. 11 et 12), personne n’avait vu ces décors, dessinés il y a 9 000 à 29 000 ans. Cette cavité est pourtant visitée par les touristes depuis le 19e siècle ! En 2005, Romain Pigeaud, docteur en préhistoire(1), a identifié un premier cheval, avec le photographe de l’Inrap(2) Hervé Paitier et l’étudiant Thibaut Devièse. Depuis, ce spécialiste d’art pariétal et son équipe ont recensé 110 éléments de décor : huit chevaux, huit rhinocéros laineux, deux cervidés, un arrière-train de mammouth, cinq oiseaux, des mains... Exceptionnel !

Uniques dans le Massif armoricain

Margot est la seule grotte “ornée” du Massif armoricain, avec la grotte voisine, appelée Mayenne-Sciences (voir photo aérienne, ci-contre). Son œil, Romain Pigeaud l’a d’abord exercé dans cette cavité, que l’on savait décorée depuis sa découverte en 1967(3). Pour sa thèse en 2001, il a recensé dans le détail les 59 unités graphiques de Mayenne-Sciences, dessinées pour la plupart au fusain noir : neuf chevaux, deux mammouths, un bison, des empreintes de doigts... Daté au carbone 14, l’un des chevaux a environ 25000 ans.

Le canyon de Saulges, dans la vallée de l’Erve
1 - Grotte Margot
2 - Grotte Mayenne-Sciences
3 - Grotte Rochefort
4 - Grotte de la Chèvre
© Hervé Paitier - UMR 6566

Deux aurochs repérés cet été

Les peintures et gravures de Margot remonteraient, elles, à deux... ou trois époques différentes. Cette façon de peindre les animaux rappelle le gravésien (29-22 000 ans), ces fines gravures font, elles, penser au magdalénien (18 -11500 ans). « Mais dans la couche solutréenne (21000 ans environ) de la grotte Rochefort, située en face, Stéphan Hinguant a trouvé des plaquettes gravées, dont le style ressemble aux gravures de Margot ! C’est troublant », s’interroge Romain Pigeaud. Faut-il décaler la chronologie ? Pour dater ces gravures, les chercheurs décortiquent les différents styles graphiques.

La place des décors, à tel ou tel endroit, est aussi prise en compte, pour lever les énigmes. Pourquoi, par exemple, « cette représentation d’un sexe féminin, au-dessus d’une crevasse, avec, de part et d’autre, deux chevaux qui se regardent ? » Parmi les trouvailles de l’été dernier, deux aurochs, des points noirs, des tracés rouges... Les dessins sont ensuite “relevés”, c’est-à-dire reproduits précisément, pour mieux comprendre comment ils ont été tracés : cet été, un bison et un cerf mégacéros. « Nous en sommes encore à la découverte, s’enthousiasme Romain Pigeaud. Il y en a pour 10 ans à trouver et à relever les décors ! Plusieurs générations de chercheurs pourront ensuite étudier ces archives. »

Nicolas Guillas

(1) Chercheur associé à l’UMR 6566 Université de Rennes 1 - CNRS et au département de Préhistoire du Muséum national d’histoire naturelle.
(2) Inrap : Institut national de recherches archéologiques préventives.
(3) Équipe de Roger Bouillon.

Romain Pigeaud, Tél. 06 09 74 34 73
romain.pigeaud [at] wanadoo.fr (romain[dot]pigeaud[at]wanadoo[dot]fr)

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