Les nanos dans le droit chemin

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N° 274 - Publié le 25 juillet 2014

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Des juristes, chercheurs au CNRS et à l’université, s’intéressent maintenant aux nanoparticules. Une première en France.

En Bretagne, plus de 150 chercheurs, pour la plupart des physiciens, travaillent dans le domaine des nanosciences(1). Désormais des juristes, spécialistes notamment du droit de l’environnement et de la bioéthique, s’y intéressent. « L’objectif du programme Nanonorma(2) est de réfléchir sur la régulation juridique des nanomatériaux et des nanotechnologies. Il faut encadrer la production et l’utilisation des nano-objets, durant tout leur cycle de vie. » Nathalie Hervé-Fournereau, directrice adjointe du laboratoire Iode(3), dirige l’équipe rennaise qui participe à ce projet de recherche.

C’est le premier programme ANR(4), en France, sur le droit et les nanotechnologies. Lancé en 2009, sous la responsabilité de Stéphanie Lacour, chercheur CNRS en droit (UMR Cecoji d’Évry), il associe trois équipes(5) de droit en France. Soit une vingtaine de juristes, plus des chimistes et des biologistes, ainsi qu’un industriel, le groupe Arkema(6), qui produit des nanotubes de carbone.

Protection des travailleurs

« Nous allons analyser comment Arkema assure la protection des travailleurs exposés et de l’environnement, explique Nathalie Hervé-Fournereau. Ce sera très intéressant de voir comment sont fabriqués les nanotubes, comment ils sont manipulés et livrés à leurs clients. » En plus du médecin du travail de l’entreprise, les chercheurs collaborent aussi avec la responsable des brevets, pour étudier la protection juridique de l’innovation.

Nanonorma, qui se conclura en 2011 par des recommandations juridiques, s’inscrit dans un paysage juridique en mouvement. « En 2009, à la suite des recherches auxquelles les citoyens sont sensibles, montrant qu’il semble y avoir des risques pour la santé et l’environnement, associés aux nano-objets, il y a eu une vague de révisions des réglementations européennes », résume Éric Juet(7), ingénieur de recherche CNRS. Lui et sa collègue Aurélie Moriceau(8), deux jeunes docteurs en droit, ont été recrutés au laboratoire Iode, spécialement pour Nanonorma. Le Parlement européen « très attentif aux préoccupations d’ordres environnemental, sanitaire et éthique », souligne-t-il, favorise une révision de la législation européenne dans ce domaine. En France, l’introduction d’une déclaration obligatoire de production de substances à l’échelle nanométrique est prévue, dans le cadre des lois Grenelle sur l’environnement.

Pas d’inventaires

Mais ces avancées ne doivent pas cacher le problème d’aujourd’hui : « On ne sait pas quels produits, mis sur le marché, contiennent des nano ! Il n’existe pas encore d’inventaires officiels sur leurs production et commercialisation », souligne Nathalie Hervé-Fournereau. La traçabilité des produits est pourtant essentielle : si une étude démontre, demain, qu’une nanoparticule présente un risque (santé ou environnement), il est plus facile de retrouver le produit, contenant cette particule, s’il est inventorié et étiqueté.

De plus en plus de produits incluant des nano-objets (pneus, vestes, ordinateurs, emballages) arrivent ainsi sur le marché en toute invisibilité, sans évaluation spécifique de leurs risques. « Et la quasi-totalité des produits pourraient contenir, à terme, des nanoparticules », souligne Éric Juet. « Ce sont donc toutes nos réglementations produit, déchet et transport qui sont concernées, alerte Nathalie Hervé-Fournereau. Sans oublier la protection de l’environnement, des travailleurs, de l’innovation... et la prise en compte impérative des exigences éthiques ! »

Les nanotechnologies en débat

Le débat public sur les nanotechnologies, qui s’est déroulé en France durant quatre mois, s’est clôturé le 23 février à Paris. Souvent interrompu par des manifestants, réclamant un moratoire sur les nanotechnologies, il a attiré au total 3216 participants aux réunions et 149759 internautes, qui ont posé 655 questions. Le site du débat est une mine d’informations, y compris pour ses 51 cahiers d’acteurs. Le compte-rendu intégral du débat à Rennes (tinyurl.com/ nano-rennes) retranscrit tous les échanges, y compris les slogans des opposants, suivis des éclairages intéressants des intervenants, lors de la suite du débat en vidéoconférence.

www.debatpublic-nano.org
NICOLAS GUILLAS

(1) Lire Sciences Ouest n°244 (tinyurl.com/so244) et n°247 (tinyurl.com/so247).
(2) Site : www. nanonorma.org.
(3) UMR Université de Rennes 1 - CNRS 6262. Institut de l’Ouest : droit et Europe (www.iode.univ-rennes1.fr).
(4) Agence nationale de la recherche.
(5) Les UMR CNRS Cecoji Ivry, Iode Rennes, Droit comparé, équipe DST de Paris.
(6) Arkema est né en octobre 2004 de la réorganisation de la branche chimie de Total.
(7) Docteur en droit communautaire de l’environnement. (8) Docteur en droit communautaire de la bioéthique.

Nathalie Hervé-Fournereau
Tél. 02 23 23 76 79
nathalie.herve-fournereau [at] univ-rennes1.fr (nathalie[dot]herve-fournereau[at]univ-rennes1[dot]fr)

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