En course, ne pas dormir mène à l’accident

N° 280 - Publié le 3 juillet 2014
© Niji
Position des bateaux, infos sur les skippeurs. Trois applications développées en Bretagne permettent de suivre la course depuis un Smartphone.

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Spécialiste de la performance humaine dans la course au large et en solitaire, Denis Theunynck(1) répond à Sciences Ouest.

Sciences Ouest Pour gagner une course comme la Route du Rhum, on imagine que le skipper ne doit pas beaucoup dormir. S’entraîne-t-il ?

Denis Theunynck On ne peut s’entraîner à ne pas dormir, car ne pas dormir mène à l’accident. On peut par contre apprendre à mieux gérer son sommeil et ses périodes de récupération, c’est là le cœur de nos travaux. On peut dans le même esprit définir notre chronotype, que l’on ne peut modifier et dont il faut tenir compte, ainsi que définir des tas de situations et petits moyens qui seront utilisés en complément de cet apprentissage.

SO Quelles sont les conséquences de la privation de sommeil dans une telle course?

DT La privation de sommeil engendre des perturbations cognitives et une détérioration des performances intellectuelles qui, a minima, obèrent la performance et, au maxima, conduisent à l’incident puis à l’accident. Dans ces périodes de dégradation du sommeil, les skippers peuvent même avoir des délires illusoires et des hallucinations touchant la vue et/ou l’audition.

 

© DR

SO Y a-t-il un minimum de temps de sommeil nécessaire par jour ?

DT Cette notion est très individuelle. Des durées minimales de quatre heures et demie par jour pour des courses longues sont évoquées. Tous les skippers déclarent fractionner leurs temps de repos pour s’adapter aux contraintes de la course. Généralement, c’est entre le deuxième et troisième jour de nette restriction de sommeil que les performances chutent.

 

SO Comment fait un coureur pour dormir par petites tranches ? Et quelle est la durée minimale de ces tranches ?

DT Là aussi, nous sommes sur des paramètres individuels. Les skippers utilisent des temps qui vont de quelques minutes, et qui sont insuffisants, à des séquences d’une dizaine de minutes, parfois plus.

SO Dans quels domaines, en dehors de la voile, les résultats de vos études servent-ils?

DT En pathologie, on peut citer l’éducation à la santé et la prise en charge de l’obésité ; dans le domaine de la santé au travail, nous nous intéressons aux travailleurs postés, soumis à des contraintes psychocognitives majeures notamment dans les métiers du transport.

SO En quoi consisteront vos études pendant la Route du Rhum?

DT Nous allons proposer aux skippers, avec qui nous travaillons déjà et à d’autres, d’utiliser un outil que nous avons mis au point qui s’appelle l’agenda interactif de sommeil, et que nous associerons dans certains cas à une formation. Il est vraisemblable qu’une part importante de la performance tienne dans l’apprentissage de la gestion du sommeil, à terre d’une part, mais surtout en course.

Le sommeil en conditions extremes

Denis Theunynck donnera une conférence le mercredi 27 octobre à Saint-Malo, quelques jours avant le départ de la Route du Rhum-Banque Postale. À 18h30 sous le chapiteau dressé quai Surcouf, à proximité d’intra-muros. Entrée libre.

Propos recueillis par Yvon Lechevestrier

(1) Il mène ses recherches depuis plus de 15 ans au laboratoire Relacs (Recherche littorale en activités corporelles et sportives) à l’Université du Littoral Côte d’Opale à Dunkerque.

Denis Theunynck
denis.theunynck [at] univ-littoral.fr (denis[dot]theunynck[at]univ-littoral[dot]fr)

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