La nutrition à l’aube de la vie

N° 287 - Publié le 23 mai 2014
© Inra-Senah
Nourrir plusieurs dizaines de porcelets 4 à 6 fois par jour demande des bras ! Pour y remédier,
le laboratoire s’est équipé d’un système d’alimentation automatique original que lorgnent les industriels.

Magazine

4301 résultat(s) trouvé(s)

La nutrition des porcelets durant leurs premiers mois de vie est étudiée en vue de comparaisons avec le nourrisson.

Manger sain, cinq fruits et légumes par jour... Autant de recommandations et de précautions qui peuvent s’avérer inutiles, si, au final, les aliments n’arrivent pas à franchir la barrière de l’intestin. Car c’est bien à cet endroit que se produisent les échanges entre les nutriments et l’intérieur du corps. Le tube digestif s’éduque et finit de se construire pendant les premiers mois de vie du nourrisson. Il a un rôle de barrière essentiel dans le développement du système immunitaire et doit donc apprendre à reconnaître les nutriments avec lesquels il entre en contact. C’est aussi pendant ces premiers mois qu’a lieu le développement du microbiote (ensemble de bactéries hébergées dans notre tube digestif). Tout cela sous contrôle d’un système nerveux totalement indépendant du système nerveux central.

Reconnaître les aliments, cela s’apprend !

Depuis une vingtaine d’années, des données épidémiologiques mettent en évidence l’importance de la nutrition en période pré- et néonatale et son influence sur le développement de l’intestin du nourrisson puis, plus tard, du jeune adulte. Celui-ci sera-t-il plus ou moins sensible aux inflammations intestinales selon ce que sa mère aura mangé pendant sa grossesse, ou selon qu’il aura été allaité ou non ? Telles sont les questions soulevées par des chercheurs du centre Inra de Saint-Gilles(1), près de Rennes, dans l’équipe dirigée par Isabelle Luron.

Dans cette équipe, la nutrition humaine est étudiée depuis cinq ans grâce au modèle porc, dont la taille et le fonctionnement des organes, notamment l’appareil digestif et le pancréas, sont assez proches de ceux de l’homme. « Nous avons, par exemple, étudié l’effet de laits riches en protéines, qui miment les laits maternisés utilisés pour l’alimentation des nourrissons, explique Gaëlle Boudry, chercheur de l’équipe. Les résultats montrent que, dans un premier temps, l’excès de protéines accélère le développement du système immunitaire. Et, sur le plus long terme, les porcelets nourris avec le lait enrichi seraient plus sensibles aux inflammations. » Une publication est en cours sur ce sujet. Une thèse soutenue il y a un mois au laboratoire a étudié l’effet que pouvaient avoir des oméga-3 dans l’alimentation maternelle. « Ils rendent l’intestin plus perméable, poursuit Gaëlle Boudry. Mais ces premières données ne nous permettent pas de savoir quelle influence cela peut avoir sur l’éducation du système immunitaire. Ce sera l’objet de futurs travaux. »

La taille des protubérances autour de la lumière de l’intestin (au centre), ainsi que l’activité cellulaire intense (coloration en marron des noyaux des cellules basales), sont des indicateurs de bonne santé qu’analysent les chercheurs.
© Inra-Senah

Les industriels intéressés

Tout comme on ne sait pas encore si les résultats des travaux sur les protéines doivent se traduire par leur diminution dans les laits infantiles. « C’est déjà le cas dans certains produits. Nous sommes en contact avec plusieurs industriels : Nestlé, Danone et Lactalis, qui sont très intéressés par le système d’alimentation automatique des porcelets que nous avons mis au point et qui est une originalité du laboratoire. »

Que ce soit sur le tube digestif ou le pancréas, l’activité du laboratoire est encore récente. « Nous souhaitons maintenant aller plus loin dans le suivi du jeune adulte. Ce qui, pour l’instant pose des problèmes au niveau de l’élevage, car ce n’est pas la même chose d’élever des porcelets et des cochons de 150kg... une solution sera d’utiliser des miniporcs également présents sur notre site. »

Ce qui est sûr, c’est que l’intestin devient un centre d’attention. Des études menées chez la souris ont montré que sa flore peut jouer un rôle central dans le développement de l’obésité. Cependant, tout n’est pas dû à la période néonatale. Le comportement alimentaire de l’adulte est bien sûr à prendre en compte, ainsi que le stress dû à notre environnement, qui se transforme souvent... en mal de ventre !

Nathalie Blanc

(1)Équipe nutrition périnatale et adaptabilité intestinale de l’Unité Systèmes d’élevage, nutrition animale et humaine (Senah).

Isabelle Luron
02 23 48 53 62
isabelle.luron [at] rennes.inra.fr (isabelle[dot]luron[at]rennes[dot]inra[dot]fr)

Gaëlle Boudry
02 23 48 59 76

gaelle.boudry [at] rennes.inra.fr (gaelle[dot]boudry[at]rennes[dot]inra[dot]fr)

TOUT LE DOSSIER

Abonnez-vous à la newsletter
du magazine Sciences Ouest

Suivez Sciences Ouest