Le champ des biocarburants

N° 292 - Publié le 18 novembre 2011
© ALAIN JULIEN - AFP
Elle planche sur le calcul des effets des biocarburants sur le prix des ressources alimentaires et sur les émissions de CO2.

Magazine

4301 résultat(s) trouvé(s)

Techniquement innovants, les biocarburants sont-ils viables économiquement ? La réponse avec une analyse du marché.

Manger ou conduire, il faut choisir ! L’économie est-elle capable de résoudre cette équation : nourriture versus carburant ? Pas sûr et pas simple. Car les données du problème sont nombreuses et très variables d’un pays à l’autre : climat, nature des sols, mais aussi, seuil de pauvreté, nombre de véhicules, politique des transports... Tout compte et tout a son importance !

Économiste spécialisée dans l’économie de l’environnement, Marie-Hélène Hubert tente de faire parler ces données. Dans son bureau du Centre de recherche en économie (Crem) de l’Université de Rennes1, elle planche sur le calcul des effets des bio-carburants sur le prix des ressources alimentaires et sur les émissions de CO2.

« Je travaille sur un modèle mondial de compétition des sols, créé à partir de deux sous-modèles dans les domaines de l’agriculture et des transports, explique-t-elle. Et dans lesquels son incluses des données économiques (PNB/tête/an) de pays avec des revenus différents (forts, intermédiaires, faibles), des éléments de la directive européenne, du pacte américain sur les biocarburants. »

L’Inde comme terrain d’application

Dernier étage de la fusée : Marie-Hélène Hubert applique ce modèle global à un cas particulier : l’Inde. Ce pays a été choisi car il est potentiellement très sensible à une augmentation du prix des biens alimentaires. Un quart de la population vit en effet en dessous du seuil de pauvreté et, en moyenne, les Indiens consacrent 63% de leur revenu aux dépenses alimentaires(1). Par ailleurs, l’Inde importe un peu plus de 70% de sa consommation en pétrole. Pour contrebalancer ce poids, une politique favorisant la montée des biocarburants a été mise en place (ils doivent passer de 5 à 10% de la consommation des carburants d’ici à 2020).

Seulement, après avoir digéré toutes ces données, le modèle montre que la production de biocarburant sur le sol indien augmente les prix des ressources vivrières d’environ 10% et n’a pas d’impact sur les émissions de dioxyde de carbone. « Les freins viennent surtout des coûts de production des biocarburants qui restent élevés, reprend Marie-Hélène Hubert. Les rendements pourraient être améliorés avec les OGM... » Cela ouvre un autre débat.

L’environnement pèse dans la balance

Quant à la question de la prise en compte des émissions de CO2 dans la production, elle n’existait pas il y a encore dix ans. « Un système ne se développe que s’il est rentable et soutenu par une volonté politique. » Sachant qu’il n’existe pour l’instant pas d’autre alternative au pétrole pour les transports, les biocarburants pourraient finir par se trouver une petite place. À moins que n’apparaisse, d’ici là, une nouvelle innovation : un autre moyen de se déplacer !

Nathalie Blanc

(1)À titre de comparaison, les Français y consacrent seulement 10%.

Marie-Hélène Hubert Tél. 02 23 23 30 03
marie-helene.hubert [at] univ-rennes1.fr (marie-helene[dot]hubert[at]univ-rennes1[dot]fr)

TOUT LE DOSSIER

Abonnez-vous à la newsletter
du magazine Sciences Ouest

Suivez Sciences Ouest