L’Homme réparé est en marche

N° 296 - Publié le 13 mars 2012
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La biologie est la science du 21e siècle. Nous sommes dans un moment merveilleux.

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Les innovations concernant la santé foisonnent et posent parfois question. Quelques réponses autour d’exemples bretons.

« On a toujours besoin d’un plus petit que soi. » Ce dicton de Jean de La Fontaine pourrait être le slogan d’Hemarina. Cette société fondée en 2007 à Morlaix fabrique des transporteurs d’oxygène universels issus d’un ver marin. Dans une publication sortie en septembre dernier, l’entreprise a démontré que l’ajout de cette molécule(1) dans les solutions de préservation de greffons de reins permet une meilleure conservation et une reprise de fonction plus rapide de l’organe après transplantation. L’évaluation préclinique de l’utilisation du produit fait aujourd’hui l’objet d’un projet sélectionné par l’ANR en novembre dernier et mené en collaboration avec deux autres partenaires(2).

L’apport de l’imagerie cérébrale

Ce projet original et “typiquement breton” n’est pas encore tout à fait abouti. N’empêche que de plus en plus de choses sont possibles. « La biologie est la science du 21e siècle. Nous sommes dans un moment merveilleux, souligne le neurologue et chercheur au CNRS Hervé Chneiweiss, auteur de L’homme réparé, paru en janvier 2012. Tout ce que nous découvrons aujourd’hui grâce à l’imagerie cérébrale, par exemple, était inaccessible il y a quinze ou vingt ans. » On pourrait aussi citer la production d’hormones de croissance ou d’anticorps monoclonaux grâce au génie génétique, le recours à des prothèses, des pacemakers, des implants cristallins...

Pour continuer dans les exemples locaux plus concrets : quarante patients atteints de maladies motrices (Parkinson) et neuropsychiatriques (Toc, syndrome Gilles de la Tourette) sont traités chaque année au CHU de Rennes, grâce à une nouvelle méthode : la stimulation profonde du cerveau, dont le professeur rennais Marc Vérin a prouvé qu’elle aurait aussi des effets bénéfiques sur le traitement de la dépression(3). Non loin de là, à la clinique de Saint-Grégoire, des opérations de l’épaule et du genou sont réalisées selon des modes opératoires des plus innovants.

400% de prothèses de genou en plus !

Des avancées en chirurgie orthopédique d’autant plus importantes quand on connaît les perspectives de la discipline énoncées par Jean-Pierre Canciani, chirurgien spécialiste du genou, « Le nombre de prothèses de genou devrait augmenter de 400% dans les dix ans qui viennent ! Alors que ces interventions étaient moins nombreuses que celles sur la hanche, elles s’apprêtent à passer devant. » En cause : le vieillissement de la population et aussi la progression de l’obésité, souvent liée à une trop forte sédentarisation.

photo de prothèses
Les prothèses comme ces implants mammaires ne sont pas toujours utilisés à des fins médicales.
© MIGUEL MEDINA - AFP
 

Jusqu’où faut-il réparer ?

Mais peut-on toucher à tout et jusqu’où ? Pour être conforme à certains critères, aller contre la perte de performances, repousser les effets du temps ? « L’émerveillement ne doit pas transformer le médecin en préparateur sportif de haut niveau, reprend Hervé Chneiweiss. Pourquoi vouloir augmenter le nombre d’heures où l’on reste éveillé ? Rendre la mémoire à un patient atteint de la maladie d’Alzheimer, c’est très bien, mais après ? Je m’interroge sur l’amélioration à tout prix de performances a priori normales. Je fais une distinction importante entre le domaine médical qui consiste à rendre aux personnes l’autonomie perdue, et l’exigence sociale : plus jeune, plus beau, plus performant. »

Une longévité moyenne de 120 ans

La lutte contre le temps est en effet devenue très prégnante. Jusqu’à devenir une utopie : l’utopie transhumaniste, née dans les années 90 aux États-Unis, qui véhicule l’idée que la vieillesse est une maladie comme les autres, contre laquelle il faut lutter. « Le mot “vieux” est devenu presque imprononçable, ajoute Jean-Pierre Canciani. Je m’en rends compte au cours de mes consultations : j’en viens à user de périphrases incroyables pour préserver les patients et en même temps je ne peux pas leur mentir. Je ne peux que réparer, pas faire des miracles. Aujourd’hui les personnes de plus de 80 ans en bonne santé ne se rendent plus compte que c’est déjà un miracle. »

Pas tant que cela si l’on en croit certaines études qui parlent d’une longévité moyenne de 120 ans et des statistiques qui annoncent qu’une fille sur deux qui naît en France aujourd’hui sera centenaire. Et alors que, dans le monde entier, de nombreux scientifiques cherchent à percer les mystères des mécanismes du vieillissement. Quel homme souhaitons-nous devenir ? Ces questions sont au cœur de la notion d’humanité. Nous ne les aborderons pas en détail ici mais nous avons rencontré des chercheurs en littérature qui, dans le cadre de la préparation d’un colloque sur les frontières de l’humain et du posthumain qui aura lieu à Brest au mois de septembre, expliqueront comment ces inquiétudes transparaissent dans les disciplines culturelles telles que la littérature ou le cinéma.

Il utilise l’activité du cerveau

Ce n’est plus de la science-fiction. Mis au point au centre Inria de Rennes en 2009, le logiciel OpenViBE prouve qu’il était possible d’utiliser l’activité électrique du cerveau pour commander un ordinateur. Il est notamment testé par l’hôpital de Garches, en région parisienne, pour développer un éditeur de texte piloté par l’activité cérébrale destiné aux personnes handicapées.

Le projet ANR OpenViBE2 que coordonne actuellement Anatole Lécuyer, responsable du logiciel, implique le développement d’un serious game qui s’adresse aux enfants atteints de déficit attentionnel et d’un syndrome d’hyperactivité. Le jeu devrait les aider à réguler leur activité cérébrale pour arriver à contrôler leur attention.

Médecine et jeux vidéo ne sont pas deux pistes opposées. « C’est plutôt un cercle vertueux ! Les jeux vidéo pourraient permettre de faire baisser les coûts et de rendre la technologie plus accessible pour le handicap », explique le chercheur. D’autres applications sont en cours de maturation, car le logiciel, mis en ligne pour simuler la recherche, a été téléchargé plus de 10000 fois dans le monde entier.

Le logiciel OpenViBE est accessible gratuitement : http://openvibe.inria.fr
Site du projet OpenViBE2 : www.irisa.fr/vr4i/openvibe2

Anatole Lécuyer Tél. 02 99 84 74 83
Anatole.Lecuyer@inria.fr
Nathalie Blanc

(1)Produit HEMO2Life®.

(2)L’unité Inserm U927 Ischémie-reperfusion en transplantation rénale du CHU de Poitiers et la plate-forme Ibisa (Infrastrutures biologie santé et agronomie) Chirurgie expérimentation transplantation de Surgères. (3)Lire le dossier de Sciences Ouest n°285 - mars 2011 sur sciences-ouest.org

Hervé Chneiweiss
herve.chneiweiss [at] inserm.fr (herve[dot]chneiweiss[at]inserm[dot]fr)

Jean-Pierre Canciani
jpcanciani [at] wanadoo.fr (jpcanciani[at]wanadoo[dot]fr)

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