Il piège les mauvaises odeurs

N° 303 - Publié le 7 novembre 2012
© Céline Duguey
Pour débusquer les molécules odorantes, les gaz émanant des cuves de compostage sont d'abord piégés dans ces fioles.

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Comment qualifier et réduire les odeurs du compostage à grande échelle ? Un chimiste consacre sa thèse à la question.

Des tuyaux en plastique, trois grandes cuves et de petites fioles soigneusement étiquetées : voici un piège à odeurs de compost ! Grâce à cette installation ingénieuse, Vincent Blazy, qui mène sa thèse entre les laboratoires d’Irstea(1) et de l’École nationale supérieure de chimie de Rennes (ENSCR), peut étudier les émanations odorantes des plates-formes de compostage, de celles qui gèrent des déchets d’industries agroalimentaires notamment. Car les odeurs qu’elles dégagent posent parfois des problèmes de bon voisinage, et peuvent même faire avorter certaines initiatives.

Capter les odeurs

Pour les besoins de l’expérience, Vincent Blazy remplit donc ses trois cuves de 100 kg de déchets d’abattoirs. À chaque “session”, il teste un paramètre différent : « les stratégies d’aération, la taille des copeaux de bois que l’on ajoute normalement pour éviter l’agglomération de matière, ou leur quantité. » Pendant un à deux mois, les pièges, changés régulièrement, recueillent les différents gaz émis par la transformation de la matière. « Une première ligne capte les composés soufrés, une autre les composés azotés et une troisième concentre les composés organiques volatiles (COVs) sur des tubes de charbons actifs. »

Le chimiste emmène ensuite soigneusement ses tubes dans les laboratoires de l’ENSCR, pour analyser leur contenu grâce à la chromatographie en phase gazeuse, couplée à la spectrographie de masse. « Cela me permet de séparer et de quantifier chaque molécule. Je peux suivre avec précision ce qui est dégagé à chacune des phases du compostage, notamment dans les quinze premiers jours où les émanations sont les plus intenses. »

Sentir les molécules

Comment savoir que telle molécule est impliquée dans telle odeur ? C’est là le nœud du problème. « On sait maintenant faire des tests de pH sans avoir besoin de goûter les produits. Mais pour les odeurs, le seul outil disponible reste notre nez ! » Irstea s’est donc équipé d’un olfactomètre. Huit personnes peuvent s’installer autour de cette machine et caractériser les odeurs que Vincent Blazy leur envoie. « Pour l’instant, cet équipement nous a permis de déterminer les seuils à partir desquels telle ou telle molécule se fait sentir. Maintenant, je vais pouvoir directement tester mes échantillons de gaz recueillis sur les cuves, afin de croiser ces données sensitives avec les informations chimiques. » Il pourra alors déterminer d’où viennent les odeurs et proposer des solutions aux opérateurs de plates-formes de compostage. Pour qu’une odeur de paix flotte sur le voisinage !

La transformation des déchets en bon compost

Dans un composteur, les déchets organiques sont biodégradés. C’est-à-dire qu’ils sont consommés par des organismes vivants qui, en les utilisant, forment d’autres produits, plus stables : c’est l’humus. C’est un processus aérobie : il se fait en présence d’oxygène.

Dans les composteurs industriels, ce sont des microorganismes : champignons et bactéries, qui utilisent la matière organique pour se reproduire. Ils dégradent d’abord le carbone et l’azote des déchets en consommant les molécules les plus facilement accessibles pour eux comme les sucres. Cette réaction produit de la chaleur : la température peut atteindre 70 °C au cœur du composteur ! Ensuite vient la maturation, pendant laquelle ces microorganismes synthétisent les molécules de l’humus.

Dans un composteur domestique, les volumes sont beaucoup plus faibles, donc la température dépasse rarement 40 °C.

Par contre, des vers peuvent venir directement du sol sur lequel le compost est posé. Certains peuvent manger et digérer la matière organique. Leurs déjections participent alors à la composition de l’humus.

Pendant ces processus, l’oxygène est transformé en dioxyde carbone, comme lors de notre respiration. Au cœur des composteurs - surtout des très grands - si l’oxygène vient à manquer, il peut également se former du méthane ou du protoxyde d’azote. C’est pour les éviter que l’on aère le mélange.

Anne Trémier Tél. 02 23 48 21 55
anne.tremier@irstea.fr
Céline Duguey

(1)Irstea : Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture.

Vincent Blazy Tél. 02 99 29 91 57
vincent.blazy [at] irstea.fr (vincent[dot]blazy[at]irstea[dot]fr)

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