Les nanosciences en pleine expansion

N° 306 - Publié le 6 février 2013
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Ce tube de quelques micromètres de diamètre peut guider la lumière, et lui confère des propriétés étonnantes.

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L’infiniment petit est régi par des lois que les physiciens veulent apprivoiser. Un domaine en plein essor à Rennes.

C’est un stade de quelques milliardièmes de mètre de longueur ! Et la course qui s’y passe ne laisse pas beaucoup de suspens, car il n’y a qu’un seul coureur : la lumière. Cela se passe à l’Institut de physique de Rennes (IPR(1)), dans un bâtiment flambant neuf sur le campus de Beaulieu (lire ci-contre).

Et la lumière fut !

Parmi les quelque quarante chercheurs qui ont pris possession des lieux, Bruno Bêche et Nolwenn Huby sont les deux spécialistes de la photonique, une discipline qui étudie et utilise certaines propriétés des photons - les particules qui composent la lumière -. Dans l’infiniment petit, en ce qui concerne nos deux chercheurs. « Nous créons des circuits micrométriques, en forme de cercle, de stade, ou même de sphère en trois dimensions, dans lesquels nous pouvons faire circuler la lumière de façon très particulière. Pour la faire résonner, par exemple ! » Ils parviennent également à mettre au point des nanotubes, dans lesquels ils peuvent injecter la lumière d’un laser, grâce à une fibre optique très affinée, placée à quelques nanomètres de l’entrée du tube. « Nous avons remarqué un phénomène étonnant : lorsque l’on rapproche deux tubes l’un de l’autre, une grande partie de l’énergie lumineuse “sort” pour former un pic très intense entre les deux. Cette lumière est dans l’air extérieur mais on peut la guider, car elle reste liée à la petite part d’énergie qui subsiste dans les tubes. » Grâce à ces différents dispositifs, les deux physiciens obtiennent une énergie lumineuse localisée et très sensible aux variations de son environnement. D’où l’idée d’utiliser leurs travaux pour mettre au point des capteurs. « Aujourd’hui, nous allons vers des senseurs pour le monde biomédical, pour repérer des bioespèces, des anticorps par exemple, dans des échantillons. Mais ce n’est encore qu’un projet. »

Un recrutement attendu

Lorsqu’il est arrivé à Rennes en 2006, Bruno Bêche s’attelait seul au sujet. La nanophotonique n’existait pas encore dans la capitale bretonne, et son recrutement était attendu(2). « Mon installation a été soutenue par la ville de Rennes. » Le chercheur a même reçu une médaille pour l’occasion ! Tout cela participait d’une dynamique de l’Institut de physique. « À la même époque, nous avons commencé à rédiger le projet pour le nouveau bâtiment. » Et lorsque Nolwenn Huby est arrivée deux ans plus tard, l’activité du département Optique et photonique a pu prendre de l’ampleur.

Graver avec des UV

La physicienne est spécialiste de l’étude des matériaux pour l’optique. « Nous utilisons une résine organique, explique-t-elle, et non pas des semi-conducteurs métalliques. L’avantage des matériaux organiques, c’est que nous pouvons les travailler à l’état liquide. Et aussi qu’ils coûtent moins cher ! » Pour modeler dans cette résine les objets dont ils ont besoin, les scientifiques ont recours à différents procédés. « Pour la 2D, par exemple, nous utilisons la lithographie, qui nous permet de graver nos circuits à une précision nanométrique. Nous plaçons un masque, un pochoir avec les formes de nos circuits, sur notre fine couche de résine, et nous plaçons le tout sous de la lumière UV. Les parties éclairées réagissent à la lumière, et nous pouvons ensuite les éliminer. » Pour éviter que la moindre trace de poussière ne vienne faire dérailler le processus, les physiciens profitent de la salle blanche - une salle où l’air est filtré minutieusement, la température ou encore la pression sont contrôlées - de l’IETR(3) voisin, dans le cadre de la plate-forme Nano-Rennes, qui la met à disposition des chercheurs extérieurs et des industriels.

Les grands espaces

Depuis quelques semaines, Bruno Bêche et Nolwenn Huby peuvent réaliser une partie de leurs expériences dans la grande salle grise du nouveau bâtiment. Comme dans une salle blanche, il faut s’équiper pour y entrer : charlotte et chaussons sont obligatoires, pour éviter les contaminations, et l’air intérieur est filtré, mais avec des contraintes moindres que celles d’une salle blanche. Une petite révolution. « Avant, nous étions dans une salle de huit mètres carrés avec des grilles d’aération qui donnaient directement sur l’extérieur. »

Cette dynamique nano ne s’arrête pas à la photonique. « Depuis 2005, les projets et les collaborations se multiplient », explique Denis Morineau, responsable du département Matériaux et nanosciences à l’IPR. Lors de l’inauguration, on pouvait croiser dans les couloirs des Japonais venus de Sendai pour un colloque coorganisé (lire p. 7). « Les nanosciences sont en plein essor au niveau international. Nous ne pouvons pas rivaliser en taille avec des centres comme Grenoble ou Paris, mais nous nous développons sur des niches où nous avons une visibilité internationale. » Confiner la matière à l’échelle nanométrique pour découvrir de nouvelles propriétés (lire p. 16) ou encore mêler biologie et physique (lire p. 17). Une exploration encore très théorique du monde de l’infiniment petit, loin des nanoparticules qui sont censées envahir notre quotidien d’ici peu.

Céline Duguey

(1)IPR UMR 6251 CNRS/Université de Rennes 1.
(2)Lire Nanosciences : la Bretagne change de dimension, le dossier de Sciences Ouest n° 244 - juin 2007. (3)IETR : Institut d’électronique et de télécommunications de Rennes.

Bruno Bêche Tél. 02 23 23 52 57
bruno.beche [at] univ-rennes1.fr (bruno[dot]beche[at]univ-rennes1[dot]fr)

Nolwenn Huby Tél. 02 23 23 62 25
nolwenn.huby [at] univ-rennes1.fr (nolwenn[dot]huby[at]univ-rennes1[dot]fr)

Denis Morineau Tél. 02 23 23 69 84
denis.morineau [at] univ-rennes1.fr (denis[dot]morineau[at]univ-rennes1[dot]fr)

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