Observer l'assemblage des molécules

N° 306 - Publié le 6 février 2013
© T. GULICK
Vue en microscopie électronique d'un très grand nombre de nanotubes. En surimpression, l'image de synthèse illustre la formation d'un tube à partir des filaments composés de l'assemblage des molécules de lanréotide. Les couleurs représentent des groupes d'atomes du lanréotide, qui sont la résolution pou le moment atteinte par le chercheur.

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Le mécanisme d’auto-assemblage de ce médicament est mis à nu par des physiciens qui le scrutent de plus en plus près.

Dans ce spot publicitaire réalisé par un laboratoire pharmaceutique et visible sur Internet, on voit des petites briques s’assembler toutes seules et former petit à petit un long tube. Ces quelques secondes de film illustrent aussi le résultat de près de douze années de recherche menées notamment par Franck Artzner, chercheur à l’Institut de physique de Rennes. Les briques en question sont des molécules de synthèse : le lanréotide, utilisé pour soigner la maladie du gigantisme (acromégalie)(1). « La capacité de ces molécules à s’assembler spontanément en tubes de quelques nanomètres de diamètre quand elles sont dans l’eau leur confère une grande stabilité. C’est cette propriété, sur laquelle j’ai travaillé de 2000 à 2010(2), qui est exploitée dans la forme galénique actuelle du médicament(3), explique Franck Artzner. Injectés en sous-cutané, les tubes mettent un mois à se dégrader et donc à libérer chaque brique : le principe actif. » Cette libération progressive améliore significativement la qualité de vie des malades qui, sinon, reçoivent trois piqûres par jour tout au long de leur vie.

À l’échelle de cinq à dix atomes

Cette avancée notoire du point de vue pharmacologique n’a pas pour autant empêché Franck Artzner de continuer à travailler sur le lanréotide. Il commence à en connaître les moindres recoins. « Je continue à m’intéresser aux aspects purement fondamentaux qui permettent de répondre à des questions très générales », précise-t-il. Après avoir compris le mécanisme de formation des tubes, il s’est intéressé à leur diamètre, en arrivant à le faire varier(4). Et aujourd’hui, il parvient à voir la molécule se former et à faire des caractérisations à l’échelle de cinq à dix atomes ! « Avec ma collègue Maité Paternostre, nous avons identifié des zones où les interactions entre les atomes sont très fortes et d’autres, au contraire, où elles sont très fragiles comme la partie coudée du U que forme la molécule de lanréotide. Ces connaissances sont très importantes pour comprendre la stabilité du tube. »

Diminuer le diamètre de la seringue

Et cette question intéresse le laboratoire pharmaceutique au plus haut point. Car dans la seringue, le mélange est encore très visqueux, ce qui nécessite un diamètre d’aiguille assez important pour l’injection. Et diminuer la viscosité pour diminuer le diamètre revient à travailler sur la stabilité du médicament.

Recherche fondamentale et problématiques pharmacologiques s’auto-alimentent. Les deux parties l’ont bien compris et continuent de monter des projets communs pour poursuivre leur collaboration en profitant, par exemple, du tout nouveau bâtiment dédié aux nanosciences à l’IPR. L’histoire n’est donc pas terminée.

Nathalie Blanc

(1)L’acromégalie peut être acquise dès la naissance ou se développer sous forme de cancer. Elle touche une personne sur 15000.

(2)Lire Des nanotubes de verre qui grandissent tout seuls dans Sciences Ouest n° 244 - juin 2007 sur www.sciences-ouest.org.

(3)Somatuline Autogel® est délivré depuis 2003 en France et 2007 aux États-Unis.

(4)Lire Un mécano moléculaire dans Sciences Ouest n° 288 - juin 2011 sur www.sciences-ouest.org.

Franck Artzner Tél. 02 23 23 58 22
franck.artzner [at] univ-rennes1.fr (franck[dot]artzner[at]univ-rennes1[dot]fr)

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