Il combat en toute discrétion

N° 312 - Publié le 3 septembre 2013
© DGA MAÎTRISE DE L’INFORMATION
Dans la salle Solange, un cylindre de 58 m de diamètre tapissé de cônes en mousse, les ingénieurs de la DGA testent la discrétion du drone Neuron face aux ondes radars.

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À Bruz, les ingénieurs de la DGA mesurent la furtivité du Neuron, un démonstrateur de drone de combat.

Dix mètres de long, plus de douze d’envergure pour un poids dépassant les sept tonnes. Le Neuron, drone de combat actuellement développé dans le cadre d’une collaboration européenne menée par la Direction générale de l’armement(1) (DGA), a des mensurations dignes d’un avion de chasse. Pourtant, à vue de radar, cet aéronef sait se faire discret. « Dans ce programme nous travaillons sur le futur de l’aviation de combat, explique Loïc Astier-Perret, directeur du programme à la DGA, et nous savons que la discrétion y prendra une grande part. »

La signature radar d’une mouette

De février à avril dernier, les ingénieurs du site DGA Maîtrise de l’information de Bruz ont pu mettre à l’épreuve la furtivité de l’engin, mis au point par les partenaires industriels, notamment Thales et Dassault. Ils l’ont fait entrer dans la salle Solange (photo), un dispositif unique en Europe. C’est un immense silo, de 40 m de haut et 58 m de diamètre. Pour y faire pénétrer les avions, il faut ouvrir deux portes grandes comme des courts de tennis. À l’intérieur, les murs sont tapissés de cônes en mousse bleue, conçus pour absorber les ondes. « Neuron a été suspendu à des câbles puis bombardé d’ondes. Et des capteurs ont mesuré ce qu’il renvoyait. » Le tout à de multiples reprises, en changeant l’inclinaison sur le plan horizontal (l’azimut) et vertical (le site) et en testant les différentes longueurs d’ondes usuelles pour les radars. Ces mesures permettent de calculer, en mètres carrés, la surface équivalente radar de l’appareil. « Les radars verront Neuron comme une mouette ! », conclut Loïc Astier- Perret.

Pour atteindre ces résultats, les ingénieurs ont travaillé sur les matériaux et sur la forme de l’aéronef. « Nous avons éliminé tous les éléments extérieurs qui peuvent créer une signature radar comme les sondes anémométriques, qui ont été remplacées par des sondes statiques intégrées à la coque. Un algorithme permet ensuite de recréer les données aérodynamiques, comme celles que fournirait une sonde classique. »

Les secrets de l’invisibilité

La place de l’armement n’a pas non plus été laissée au hasard : tout est à l’intérieur du drone, avec un système de largage spécifique. Un autre point fort vient du principe du drone lui-même : sans pilote embarqué, la verrière pour l’abriter est inutile ; cela simplifie le travail des ingénieurs car cette capsule transparente est un vrai calvaire à faire disparaître des écrans radars.

Le programme Neuron a été lancé officiellement en 2006. « En matière de drone de combat, l’Europe avait pris du retard sur les États-Unis », reconnaît Loïc Astier-Perret. Les drones seront pourtant bien présents dans les combats aériens d’ici à 2030. Car ils présentent des avantages certains. « Déjà, celui de ne plus mettre en jeu la vie du pilote qui reste à terre. Ces engins seraient donc parfaitement adaptés aux missions air-sol, dans les conflits de haute intensité. »

Les ingénieurs se penchent d’ailleurs sur l’automatisme du démonstrateur. « Au sol, le pilote n’a plus de manche entre les mains contrairement aux avions de chasse classiques. Une grande partie des commandes se passent par tablette tactile. Les grandes étapes, comme l’atterrissage ou le décollage, sont automatisées. Mais il faut l’action de l’opérateur pour passer de l’une à l’autre. » Et ce dernier peut reprendre la main, entrer un nouveau cap, une nouvelle vitesse en cours de route. Un peu comme un système de pilote automatique.

Les vols vont reprendre

Toujours en développement, Neuron va reprendre ses vols d’essais en septembre, à Istres, puis en Suède et en Italie. À Bruz, les équipes seront mises à contribution pour analyser les données enregistrées au cours de ces essais. Mais le Neuron n’ira jamais au combat. « Ce programme nous sert à développer des technologies qui pourront être reprises, par la suite, soit pour de futurs modèles de drones de combat, ou pour des avions de combat plus “classiques”. » La réflexion se tourne aussi vers les systèmes qui font collaborer plusieurs aéronefs (lire ci-dessous), pressentis pour être l’avenir de cette technologie.

Céline Duguey

(1)Le projet rassemble la France, l’Italie, la Suède, l’Espagne, la Grèce et la Suisse.

Damien Bégoc, DGA Maîtrise de l’information
Tél. 02 99 42 90 11

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