Il filme la fécondation en direct

N° 330 - Publié le 7 avril 2015
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Les ovocytes de souris, qui mesurent entre 70 et 80 µm de diamètre, sont très proches de ceux de l’espèce humaine qui font environ 100 µm.
Ici, un ovocyte de souris est observé en microscopie confocale, ce qui permet de visualiser ce qui se passe à l’intérieur de la cellule. Les deux lots de chromosomes maternels sont visibles grâce à une molécule fluorescente (en jaune). Au cours de la fécondation, l’ovocyte sépare ces deux lots de chromosomes pour n’en garder qu’un, l’autre étant expulsé vers l’extérieur, dans une petite cellule appelée globule polaire. On parle de division asymétrique. Barre d’échelle : 10 µm.

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Un biologiste décrypte les mécanismes de la fécondation sur des ovocytes de souris, très proches de ceux de la femme.

Le moment est magique. Le spermatozoïde vient d’entrer dans l’ovocyte, deux petits bourgeons naissent à la surface de celui-ci, les chromosomes pivotent et, soudainement, un des bourgeons disparaît tandis que l’autre se détache définitivement. Ça y est, l’œuf est formé. Il contient normalement le bon nombre de chromosomes paternels et maternels, les divisions cellulaires embryonnaires vont pouvoir commencer.

La fécondation sous les caméras

Cette scène, Guillaume Halet et ses collègues l’ont filmée des centaines de fois. Ils sont chercheurs à l’Institut de génétique et développement de Rennes (IGDR(1)) ; les acteurs sont des ovocytes de souris, dont certaines molécules sont rendues fluorescentes, et le studio de tournage se trouve sur le campus santé de Villejean(2). « Avant, nous réalisions beaucoup d’observations sur ovocytes fixés dans le formol, précise le directeur de l’équipe Dynamique ovocytaire et implantation chez les mammifères. Grâce aux évolutions techniques, nous pouvons observer du matériel vivant sous le microscope et donc suivre une fécondation en direct. »

Ce qui intéresse surtout les chercheurs, ce sont les mouvements de chromosomes. La méiose est l’opération pendant laquelle les gamètes (spermatozoïdes et ovocytes) passent de deux à un jeu de chromosomes pour se préparer à la fécondation. Quand le spermatozoïde féconde l’ovocyte, celui-ci contient encore deux lots de chromosomes maternels : la méiose n’est pas terminée. Il doit n’en garder qu’un. Le choix est-il aléatoire ? Ou l’ovocyte est-t-il capable de repérer les erreurs, s’il y en a ? C’est ce que veulent éclaircir les chercheurs. « Pour savoir pourquoi un système commet des erreurs, il faut d’abord chercher à comprendre comment il doit normalement fonctionner. C’est pourquoi nous observons pour l’instant des ovocytes “normaux” », poursuit Guillaume Halet. Les chercheurs étudient, par exemple, les protéines du cytosquelette (telles que les filaments d’actine) et leur contribution au déplacement des chromosomes pendant la méiose.

Des souris à l’homme

Outre l’aspect fondamental de ces recherches, l’idée de Guillaume Halet est de transposer ces résultats à l’espèce humaine, dont les mécanismes de la fécondation sont identiques.

Sauf que chez l’homme, les erreurs de ségrégations des chromosomes sont très fréquentes. Certaines peuvent donner lieu à des fausses couches, d’autres sont viables, comme certaines trisomies qui correspondent à trois copies des chromosomes au lieu de deux(3). Ces erreurs dépendent aussi très fortement de l’âge. La souris, qui vit un à deux ans en moyenne, ne connaît pas ce problème. Alors les chercheurs vont les créer artificiellement : « Nous allons mimer des erreurs de ségrégations chromosomiques en détruisant une partie des chromosomes au laser directement sous le microscope. Cette opération sera sans doute un peu approximative et grossière, mais nous regarderons si elle a un effet sur la polarisation de l’ovocyte. Puis, nous affinerons la technique. » Avec ces travaux, Guillaume Halet espère apporter sa petite pierre à l’édifice des recherches cliniques chez l’homme.

Nathalie Blanc

(1) CNRS - Université de Rennes 1, Équipe Dynamique ovocytaire et implantation chez les mammifères.

(2) Grâce aux équipements de la plate-forme de microscopie de Rennes (plate-forme Mric) de Biosit, structure fédérative de recherche en biologie et santé de Rennes (Université de Rennes 1, CNRS, Inserm).

(3) Il existe quatre trisomies viables chez l’homme. La plus connue est la trisomie 21 (trois copies du chromosome 21). Il existe aussi des trisomies des chromosomes sexuels (par exemple : XXY).

Guillaume Halet
guillaume.halet [at] univ-rennes1.fr (guillaume[dot]halet[at]univ-rennes1[dot]fr)

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