À la conquête des térahertz

N° 332 - Publié le 9 juin 2015
© Nicolas Guillas
Cette photo réalisée à l'IPR montre le laser bifréquence (à gauche). Il génère le signal térahertz dans le domaine optique. Des amplificateurs (à droite) nettoient le signal du laser, pour l'envoyer sur l'antenne émettrice.

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Les physiciens visent un territoire où les photons transportent des données à très haut débit : les térahertz.

Toutes les bandes sont occupées. Les ondes de la bande FM, les ondes Wi-Fi et téléphoniques, l’infrarouge, les ondes radars, les rayons lumineux : il n’y a plus de places pour transférer des données via les ondes électromagnétiques ! Mais une bande résiste encore à la conquête : les fréquences térahertz. Sur la carte du spectre électromagnétique, elles se situent à droite des ondes radio, entre les ondes radars (300 GHz, soit 0,3 THz) et les fréquences optiques de l’infrarouge, elles-mêmes à gauche du domaine visible.

« Aujourd’hui, on n’utilise pas encore les fréquences térahertz pour la communication, explique le physicien Mehdi Alouini, responsable du département Optique et photonique à l’IPR(1). C’est un domaine orphelin du spectre électromagnétique. » Cette terra incognita se situe entre l’électronique, où les messagers sont des électrons, et l’optique, où les vecteurs sont des photons. Pour créer, par exemple, une fréquence à 100 MHz, les électrons suivent une fonction sinusoïdale.

« Mais un électron ne peut pas osciller à des fréquences très élevées, de l’ordre de plusieurs gigahertz. Pensez à une balançoire, que l’on pousse très vite : son mouvement ondulatoire atteint une limite. Au-dessus de 40 GHz, la technologie électronique fonctionne moins bien. » Pour transmettre des données aux fréquences plus élevées, la solution dépend ainsi de la technologie photonique : le photon n’ayant pas de masse, il peut être modulé beaucoup plus rapidement que l’électron.

Le projet Com’Toniq, qui a démarré l’an dernier avec l’IPR, l’IEMN(2), Thales et d’autres partenaires, veut utiliser ces fréquences. L’une des spécialités des Rennais est la fabrication de lasers bifréquences. Quand leurs faisceaux arrivent sur des photorécepteurs, conçus par l’IEMN, ils sont convertis en rayonnement térahertz. « Nous réutilisons le savoir-faire des télécommunications optiques », résume Mehdi Alouini.

Navires militaires

Après avoir réussi à transmettre un signal à 0,3 THz sur une dizaine de mètres, l’objectif est d’atteindre 1 km. L’un des avantages de ces fréquences est que le débit correspondant est très élevé. Il peut atteindre 40 Gb/s : un disque dur est transféré en une dizaine de seconde ! Ces recherches pourraient donner naissance à un système de communication de données entre bâtiments, un peu comme un super Wi-Fi. Une autre application sera l’échange de données entre navires militaires. Les térahertz ont en effet un autre atout : l’atmosphère absorbe ce type de rayonnements. Les signaux se meurent à moins de 3 km. En outre, l’antenne est minuscule (1 mm) et le faisceau très directif : la discrétion est assurée.

Nicolas Guillas

(1) Institut de physique de Rennes.

(2) Institut d’électronique, de microélectronique et de nanotechnologie (Lille). Les autres partenaires sont le laboratoire Phlam et la société Osmotus.

Mehdi Alouini
Tél. 02 23 23 66 58
mehdi.alouini [at] univ-rennes1.fr (mehdi[dot]alouini[at]univ-rennes1[dot]fr)

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