Le Big Data s’attaque au cancer

N° 346 - Publié le 14 novembre 2016
Inserm / Patrick Delapierre
Le secteur de la santé est un gros producteur de données très variées.

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Récoltées de la cellule au patient, les données du cancer prolifèrent. Une nouvelle piste de lutte contre la maladie.

Avec l’avènement du numérique, de plus en plus de données cliniques, génomiques, phénotypiques, environnementales et sociales sont récoltées, sur chaque patient. « Si une partie de ces données nous permet déjà d’améliorer la personnalisation et l’efficacité des traitements, elles restent cependant largement sous-exploitées, dit Alain Morel, professeur à l’Université d’Angers, chercheur à l’Institut de cancérologie de l’Ouest (ICO) d’Angers(1). Nous pourrions aller beaucoup plus loin si nous savions optimiser leur exploration et leur analyse. » Quels types de modèles mathématiques et d’outils informatiques sont les mieux adaptés pour l’analyse des données de patients atteints de cancer ? Où et comment peut-on rassembler et sécuriser ces données ? Ces questions animent les équipes du Cancéropôle Grand Ouest (CGO) qui, depuis le printemps, travaillent au développement d’un nouveau réseau de recherche baptisé Oncologie 4.0. « À travers ce réseau, le CGO veut fédérer des spécialistes en mathématiques, bio-informatique, biologie, oncologie, éthique, économie, philosophie du grand Ouest afin de répondre aux nouveaux questionnements qu’impose, en médecine, la génération de données massives (ou Big Data) et leur exploitation au profit des patients », explique Alain Morel, responsable de ce nouveau réseau.

Vers une cancérologie ultraconnectée

« Notre territoire possède déjà les ressources humaines scientifiques et les infrastructures pour aborder cette révolution médicale, assure Mario Campone, directeur scientifique du CGO et de l’ICO. Tout l’enjeu est désormais d’accompagner et d’encadrer au mieux la transition de la médecine vers l’ère du 4.0. » D’ici à quelques années, des systèmes d’intelligence artificielle permettront en effet à des machines de toute nature (cardiofréquencemètres, glycomètres, IRM, scanners et autres dispositifs médicaux connectés) de se comprendre et de dialoguer entre elles à la vitesse de leurs processeurs. Ils pourront corréler des données multiples et contribuer à l’aide au diagnostic, au choix et au suivi de l’efficacité des traitements personnalisés, à la pharmacovigilance et à l’épidémiologie.

Étudier les cancers cellule par cellule

L’analyse massive de données peut aussi permettre d’étudier les cancers cellule par cellule. C’est l’idée de la chaire Cancer et Innovation, nouvellement créée par la Fondation de l’Université de Rennes 1(2). L’objectif de cette chaire est de réaliser une analyse génétique à l’échelle de la cellule unique. « Jusqu’à présent l’analyse de l’expression des gènes est mesurée de façon globale au niveau d’un prélèvement tumoral. On obtient alors une moyenne, explique Marie-Dominique Galibert, professeur à l’Institut de génétique et développement de Rennes(2). Mais on sait qu’une tumeur est très hétérogène, deux cellules avec des expressions très différentes peuvent se comporter de façon très distincte, notamment face à un traitement. » En effet, même si elles dérivent d’une cellule unique, chacune évolue différemment. Grâce à la méthode utilisée, les cellules sont séparées, pour mesurer l’expression génétique de chacune. Les informations ainsi collectées sur des milliers de cellules seront ensuite analysées par ordinateur. Il sera alors possible d’identifier quels types de cellules sont éliminés par un traitement donné et lesquels sont résistants. Les scientifiques espèrent ainsi pouvoir établir une séquence de médicaments à administrer afin d’éradiquer la tumeur. D’autres recherches viseront à comprendre quels sont les gènes impliqués dans chaque étape du développement normal ou pathologique des lymphocytes B, un type de cellule immunitaire, pour savoir comment est favorisée l’apparition d’un lymphome. Enfin, des études s’intéresseront aux cellules environnantes, qui influencent le développement de tumeurs. Ou quand la prolifération des données se veut plus forte que celle des tumeurs !

Sécuriser les données de santé : une priorité

Si l’exploitation optimisée des données en cancérologie constitue un outil formidable pour l’avenir de l’oncologie et de la médecine, elle peut néanmoins devenir pernicieuse si les informations ne sont pas sécurisées et centralisées en lieu sûr. C’est pourquoi le réseau Oncologie 4.0 du Cancéropôle Grand Ouest (lire ci-dessus) mettra les questions de gouvernance et de protection de la vie privée des patients au cœur de ses projets futurs. Cette thématique fera d’ailleurs l’objet d’une présentation lors de la 1re Journée du Réseau Oncologie 4.0 qui se tiendra le 23 janvier prochain à l’ICO d’Angers.

JD
www.canceropole-grandouest.com
Julie Danet/Maryse Chabalier

(1) Centre de recherche en cancérologie Nantes-Angers (CNRS, Inserm, Universités d’Angers et Nantes).
(2) La chaire s’appuie sur la Fédération hospitalo-universitaire Cancer microenvironnement et innovation, coordonnée par les professeurs Thierry Lamy et Marie-Dominique Galibert-Anne. (3) Unité mixte de recherche CNRS/Université de Rennes 1.

Alain Morel
tél. 02 41 35 27 00
alain.morel@ico.unicancer.fr

Mario Campone
direction@canceropole-grandouest.com

Marie-Dominique Galibert-Anne
tél. 02 23 23 47 05
marie-dominique.galibert-anne@univ-rennes1.fr

Thierry Lamy de la Chapelle
thierry.lamy-de-la-chapelle@univ-rennes1.fr

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