Un drone en orbite à Ouessant

N° 353 - Publié le 23 juin 2017
Nicolas Guillas
Thomas Le Mézo veut créer un drone marin, propulsé et orienté par les courants. Pour prouver que c'est possible, le robot doit faire le tour de l'île d'Ouessant.

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L’énergie des courants fera naviguer des drones marins. C’est l’idée audacieuse d’un doctorant brestois.

Les sondes spatiales voyagent grâce aux forces gravitationnelles des planètes. Et si, pour circuler dans les océans, les robots utilisaient les courants comme force de propulsion ? À l’Ensta Bretagne(1) à Brest, Thomas Le Mézo veut relever ce défi. Après son diplôme d’ingénieur en robotique obtenu en 2015, il s’est lancé dans une thèse(2) sur la commande de robots dérivants, encadrée par Benoît Zerr et Luc Jaulin, qu’il soutiendra l’an prochain. 

L’expérience principale est celle d’un drone sous-marin, qui doit réussir à faire le tour de l’île d’Ouessant. Il empruntera le courant du Fromveur, où tourne déjà une hydrolienne. « En premier lieu, il faut trouver le bon endroit où lancer le robot, explique Thomas Le Mézo. Ce point de départ dépend des modèles de courants, que nous connaissons grâce à l’Ifremer. Mais il y a de grosses incertitudes dans ces modèles. Et quand faut-il activer le moteur pour être entraîné par la bonne veine de courant ? C’est une question stratégique. »

Trois petites hélices

Un drone est réalisé à l’Ensta pour relever ce défi. Le chercheur en robotique le met au point avec une dizaine d’autres scientifiques, spécialistes de mécanique et d’électronique, océanographes et informaticiens chercheurs d’algorithmes. Il est différent des drones classiques, qui luttent contre le courant grâce à des propulseurs puissants... et consomment beaucoup d’énergie. Celui-ci coûte moins de mille euros, pèse environ 6 kg et mesure actuellement 50 cm. Un piston modifie son volume, donc sa densité, pour descendre plus ou moins profond. Ce drone possède trois petites hélices activées par des moteurs, économes en énergie, et une antenne pour communiquer.

Le drone envoie un SMS

Ce robot ne plongera pas trop profondément dans les zones où le courant est différent, et remontera toutes les heures à la surface (pas trop souvent, afin de ne pas percuter de navires). En surface, le drone retrouve les réseaux GPS et 3G : il envoie un SMS aux chercheurs pour donner sa position et d’autres informations comme l’état de sa batterie. Ceux-ci lui renvoient un SMS pour autoriser la plongée suivante, enclencher des actions via les hélices, ou corriger une erreur de trajectoire. Le calcul de trajectoire dans un environnement incertain est au cœur de cette recherche. « Nous donnons au robot une bulle temporelle, dans laquelle il doit rester, précise Thomas Le Mézo. Cette bulle (la zone où il est à un moment donné) a été calculée à partir des modèles de courants. Les méthodes que nous utilisons ne sont pas probabilistes, mais ensemblistes : nous pouvons garantir à 100 % que le robot est dans un rectangle de mer, sans savoir précisément sa position dans ce rectangle. »

Les algorithmes mis au point pour cette thèse pourront servir au calcul d’autres types de trajectoires, comme celles des voitures autonomes. L’absence de bruit émis par ce drone permet par ailleurs des mesures acoustiques performantes : il peut devenir un capteur silencieux dans les courants. Une autre application est aussi imaginable : faire voyager des robots sous-marins, et pourquoi pas des containers, dans le Gulf Stream.

Nicolas Guillas

(1) École nationale supérieure de techniques avancées.
(2) Cette thèse de l’Ensta Bretagne a été cofinancée par la Direction générale de l’armement et la Région Bretagne.

Thomas Le Mézo
tél. 02 98 34 89 02
thomas.le_mezo@ensta-bretagne.org

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