Un fleuve reprend son cours

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N° 358 - Publié le 15 janvier 2018
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Le barrage de Vezins, sur la Sélune, sera bientôt détruit.

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Une équipe pluridisciplinaire suit le démantèlement de deux barrages sur la Sélune, une première en Europe.

En Normandie, le fleuve Sélune va retrouver son cours naturel. Deux barrages hydroélectriques, mis en service en 1920 et 1932, vont être détruits. D’une hauteur de 16 et 36 m, ils présentent des problèmes de rentabilité, en plus de ne pas respecter l’obligation de laisser passer les poissons migrateurs(1), ce qui a conduit à l’arrêt de leur exploitation. Le projet de démantèlement, annoncé en 2009 puis mis en suspend en 2014, suite à la demande d’une nouvelle expertise du ministère de l’Écologie, a été relancé le 14 novembre dernier par le ministre Nicolas Hulot.

Suivi à long terme

Un vaste programme scientifique a été mis en place depuis 2012 pour suivre les changements écologiques et sociétaux provoqués par ce démantèlement. Il est coordonné par le pôle Afb-Inra(2) de Rennes, qui étudie depuis 1983 les poissons migrateurs dans l’Oir, l’un des affluents de la Sélune. « C’est la première fois qu’un programme scientifique d’une telle ampleur autour d’un démantèlement de barrages est mené en Europe, explique Stéphane Fraisse, chargé de mission au sein de la cellule de coordination du programme. Trois autres grands barrages ont été démantelés en France, mais ces opérations ont été peu documentées scientifiquement. »

Le programme de recherche sur la Sélune s’effectue en plusieurs phases. La première, qui vient de s’achever, consiste à caractériser l’état initial. Une deuxième, actuellement en cours, concerne le suivi des effets des travaux avant le démantèlement : vidange progressive des retenues, mise en cage des sédiments (pour ceux qui proviennent d’un des affluents contenant des métaux lourds) et terrassement des berges, pour éviter le largage des sédiments vers l’aval. La troisième phase, prévue en 2020, après le démantellement des barrages, aura pour objectif de caractériser les changements induits par l’opération.

Anguilles et écrevisses

Les effets des barrages ont été mis en évidence sur plusieurs espèces, notamment sur les anguilles qui s’accumulent au pied du barrage le plus en aval après leur migration depuis la mer ou sur les écrevisses du Pacifique, qui sont cantonnées à l’amont des barrages. « Ceci pose la question de comment va se faire l’interaction entre les espèces après l’effacement des barrages, les anguilles étant de potentielles prédatrices des écrevisses. » Les barrages font également obstacle aux flux sédimentaires, ainsi qu’à certains éléments comme le phosphore. Ils sont en revanche sans effet pour d’autres composés comme les nitrates. En ce qui concerne la revégétalisation, les suivis montrent que la végétation recouvre en quelques semaines les berges nouvellement sorties de l’eau, grâce à la richesse en nutriments et en graines des sédiments.

Par ailleurs, des travaux menés par les chercheurs en sociogéographie ont mis en évidence un manque de concertation locale et de communication de la part de l’État, cristallisant ainsi des tensions autour de ce projet. La disparition de la pêche des poissons d’étang, localisés dans les retenues, fait partie des revendications des opposants. Se rajoute également la crainte de l’augmentation de la fréquence des inondations. Cette dernière inquiétude a été démentie par les premiers résultats des études en hydrologie, qui ont montré que les barrages ne retenaient pas les fortes crues.

Maryse Chabalier

(1) Directive-cadre européenne sur l’eau exigeant le bon état écologique des eaux et le retour de la continuité écologique.
(2) Agence française pour la biodiversité-Institut national de la recherche agronomique.

Stéphane Fraisse
tél. 02 23 48 56 25
stephane.fraisse@inra.fr

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