Ça roule déjà dans le Morbihan

N° 359 - Publié le 5 février 2018
Julie Lallouët-Geffroy
Une voiture comme une autre. Seule différence visible : sa borne de rechargement.

Magazine

4301 résultat(s) trouvé(s)

À Vannes, l’établissement public Morbihan Énergies fait rouler une voiture à l’hydrogène.

Ni pétarade, ni nuage de fumée. La voiture de l’établissement public Morbihan Énergies(1) est silencieuse et ne laisse derrière elle que quelques gouttes d’eau. Son carburant : de l’hydrogène, l’un des deux composants de l’eau, l’autre étant l’oxygène. Ce véhicule ressemble à une voiture classique. C’est à sa station-service que l’on relève la différence : une borne de rechargement verte, grande comme une place de parking. Cette borne privée a été inaugurée en juin 2017 au siège de Morbihan Énergies, le syndicat intercommunal en charge des réseaux d’électricité, près de Vannes. « Avec un plein, on fait 350 km, explique Marc Aubry, le directeur général de Morbihan Énergies, une autonomie des plus respectables, lorsque l’on sait que les Français font en moyenne 65 km par jour. » Pour faire le plein, il suffit de relier la voiture à la borne, comme dans une station-service.

Le plein en dix minutes

À l’intérieur de la borne se trouve un électrolyseur. Ce dispositif sépare l’eau en deux éléments : l’oxygène, rejeté à l’extérieur de la borne, et l’hydrogène. Grâce à une pompe, semblable à celle utilisée pour faire le plein d’essence, l’hydrogène est amené de la borne à la bouteille de stockage, située dans le coffre de la voiture. Si la pression est à 350 bars, un plein correspond à 350 km ; si elle monte à 700 bars, le plein représente une autonomie de 700 km. Faire le plein ne prend pas plus de dix minutes. Un véhicule électrique classique, avec batterie, a besoin pour rouler sur 100 km d’un rechargement de 20 à 40 minutes, selon les bornes. Une fois dans la voiture, l’hydrogène est converti en électricité pour faire tourner le moteur. Une pile à combustible récupère l’oxygène extérieur et l’hydrogène de la bouteille pour produire de l’électricité, qui fait tourner le moteur. Seul rejet de ce système : de l’eau, qui s’écoule à l’extérieur.

« Nous en sommes au début de l’hydrogène et cela ne peut que se développer, affirme Marc Aubry. D’autant plus que nous utilisons déjà des moteurs électriques. » Les moteurs des voitures électriques, qui circulent de plus en plus sur nos routes, sont alimentés par des batteries au lithium. Mais ils peuvent aussi fonctionner avec les piles à combustible : les voitures électriques sont d’ores et déjà “hydrogène compatibles” ! À cela s’ajoute la publication en décembre 2017, au Journal officiel, d’un arrêté qui reconnaît l’hydrogène comme carburant.

Pas d’infrastructures

Tous les feux sont verts pour que la voiture à hydrogène prenne son envol. À un détail près. « Aujourd’hui, nous savons produire, stocker, distribuer de l’hydrogène et fabriquer des voitures, résume Édouard Céreuil, responsable énergie du syndicat intercommunal. Ce qu’il nous manque, ce sont les infrastructures », en l’occurrence les bornes pour recharger la voiture. Il n’y en a qu’une seule en Bretagne, celle de Morbihan Énergies.

Rouler, chauffer, naviguer à l’hydrogène

Du gaz local - L’hydrogène n’est pas seulement synonyme de nouvelle technologie. Pour Marc Aubry, il s’agit de s’inscrire dans une démarche de développement durable local. À la différence du pétrole, qui arrive du Moyen-Orient, l’hydrogène de la voiture de Morbihan Énergies ne parcourt que quelques mètres, pour aller des panneaux photovoltaïques, installés sur le toit des locaux du syndicat intercommunal, jusqu’à la borne de rechargement. En consommant localement ce qui est produit sur place, l’électricité est en “circuit court”. L’objectif économique est que « la manne financière reste sur le territoire », explique le directeur de l’établissement public. JLG

Ouvrir une station-service - Après la borne de rechargement pour son véhicule à hydrogène, Morbihan Énergies collabore avec Engie pour installer une borne accessible à tous. Cette station-service sera implantée à Vannes près du fabricant de pneus Michelin, qui produit et utilise l’hydrogène. L’entreprise cherche le meilleur moyen pour intégrer cette borne à son schéma industriel. La Région Bretagne et la Caisse des dépôts s’associent à Engie et au syndicat intercommunal pour la mise en place de cette station, prévue d’ici à deux ans. Les flottes de véhicules d’entreprises devraient être les premières clientes. Pour montrer l’exemple et lancer la dynamique.

Chauffer un bâtiment - Grâce aux électrolyseurs, l’énergie produite localement par des panneaux photovoltaïques, des éoliennes ou des hydroliennes est stockable. Elle peut être consommée plus tard, notamment l’hiver, quand la surchauffe électrique menace de plonger la Bretagne dans le noir. Pour atténuer ces pics de consommation en période froide, l’hydrogène est une solution. « Nous pouvons stocker l’énergie, mais aussi la réinjecter dans le réseau électrique », explique Marc Aubry, le directeur de Morbihan Énergies. Il souhaite ainsi pouvoir alimenter, grâce aux panneaux photovoltaïques posés sur le toit, non seulement le bâtiment administratif, mais aussi le club de sport voisin et les maisons riveraines.

Faire avancer des bateaux - D’ici à quelques années, des hydroliennes pourraient être plongées dans le golfe du Morbihan(1). Elles utiliseraient le mouvement de la marée pour produire de l’énergie, soit l’équivalent de près de 8 % de la consommation énergétique des vingt-deux communes littorales limitrophes du golfe. Morbihan Énergies, déjà investi dans le projet, envisage de se servir de cette énergie pour faire fonctionner des bateaux et navettes à l’hydrogène, « des bateaux qui rejettent de l’eau dans l’eau, c’est pas mal », conclut Marc Aubry en souriant.

Julie Lallouët-Geffroy

(1) Établissement public de coopération intercommunale, Morbihan Énergies gère l’électricité des 253 communes du département.

TOUT LE DOSSIER

Abonnez-vous à la newsletter
du magazine Sciences Ouest

Suivez Sciences Ouest