Des cultures d’avenir

N° 361 - Publié le 12 avril 2018

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Avec 250 hectares d’exploitation autorisés, le littoral breton est le théâtre du développement durable de la filière de l’algue.

C’est sur les bases jetées par la plate-forme collaborative Idealg que Genialg, projet européen lancé en janvier 2017, s’appuie pour transférer à l’industrie les connaissances acquises sur les macroalgues. L’objectif est d’organiser une filière de l’algoculture en Bretagne et en Europe.

Un secteur qui bouge
« Idealg nous a permis de sélectionner les variétés des algues bretonnes brune Saccharina latissima et verte Ulva sp. à croissance rapide et ayant les propriétés attendues, résume Philippe Potin, biologiste marin à la Station biologique de Roscoff(1) et coordinateur des deux projets. Nous en avons extrait des molécules intéressantes pour la nutrition, la cosmétique, les matériaux ou des applications pharmaceutiques, qu’il faut désormais valoriser. » Avec huit brevets déposés, plus de 120 acteurs et 25 entreprises fédérées en cinq ans, ce projet est le témoin de l’essor que connaît le secteur des algues. Dans le même temps, la plus “médiatique” des 95 entreprises du secteur, le Groupe Olmix, est passée de 150 à 800 salariés.

Des propriétés à valoriser
Pour dynamiser plus encore cette filière, le projet Genialg, qui réunit dix-neuf partenaires et quatre entreprises bretonnes(2), s’appuie sur plusieurs volets de recherche. En génétique d’une part, pour améliorer et stabiliser la croissance de Saccharina et d’Ulva. En technologies de culture d’autre part, pour rentabiliser chaque étape de production de l’écloserie jusqu’au bassin de culture à terre. Un démonstrateur de bassin utilisant des énergies renouvelables sera prochainement testé, afin de voir si sa capacité de production d’ulves est bien multipliée par trois comme prévu. Et enfin, en bioraffinerie, des procédés via des enzymes marines sont en cours de développement dans le but d’extraire de nouveaux composés intéressants (protéines, saccharides, vitamines). « Nous recherchons des procédés d’extraction et des applications pour les glucanes et les fucanes, des résidus des alginates (utilisés comme épaississants, gélifiants, émulsifiants...) de l’algue brune. » Peu ou non valorisés sur le marché, ces composés semblent avoir des propriétés de stimulation de l’immunité animale et végétale performantes. Une piste à creuser !

Durable pour tous
Le dernier volet de Genialg porte sur l’acceptabilité environnementale, économique et sociale de la culture des algues. « Il s’agit de s’assurer que les espèces sélectionnées ne présentent pas de risques de dissémination délétère une fois cultivées en mer, assure Philippe Potin. Nous voulons innover, mais pas à n’importe quel prix. L’économie bretonne des algues doit être durable et assurer aux producteurs des revenus confortables. Pour cela, il ne faut ni surproduire, ni brader les prix. »

Une formation ad hoc

Valoriser des projets innovants de substituts au sang humain extraits de vers marins, de nouveaux aliments à base d’algues, désamorcer des conflits pour permettre l’essor des énergies marines renouvelables ou l’installation d’habitats flottants... Autant de besoins actuels qui nécessitent de connaître les particularités liées à leur zone de développement : le littoral. « En termes d’offres de formation professionnelle, on avait la terre d’un côté, la mer de l’autre. Aucune ne prenait en compte le continuum terre-mer, a constaté Jean Ollivro, professeur de géographie à l’Université Rennes 2. Pourtant, le monde de l’entreprise a déjà besoin de personnes formées aux relations complexes entre la terre et la mer. Et demain encore plus ! La Bretagne est le berceau parfait pour faire naître ces vocations. » C’est pour pallier ce manque qu’il a créé en 2017 le master professionnel Terre & Mer au sein de l’Institut d’études politiques (IEP) de Rennes, en partenariat avec des entreprises bretonnes.

Pionniers de ces métiers stratégiques, quatre étudiants ont été sélectionnés pour bénéficier, depuis septembre dernier, d’une formation en alternance assurée à 80 % par des professionnels. Les modules sont tournés vers l’opérationnel, la conduite de projets, la découverte des champs d’innovations terre/mer (biotechnologies, ressources, alimentation) et des enjeux de la communication. Ils profitent aussi de retours d’expériences en termes de “business durable” et d’enseignements spécifiques en éconologie(3). Pour la partie immersive, certains ont intégré l’équipe du Groupe Roullier, spécialiste en nutrition animale, végétale et humaine, le Groupe Olmix, leader mondial dans le domaine de la production et de la transformation d’algues marines, ou encore le Groupe STEF, spécialiste de la logistique du froid. « Dans les années à venir, nous voulons privilégier la mixité des étudiants et ouvrir la formation à des personnes ne souhaitant suivre qu’un seul ou plusieurs modules », prévoit Jean Ollivro.

Julie Danet

(1) CNRS, Sorbonne Université.
(2) Olmix, Algaia, C-Weed Aquaculture, Lessonia.
(3)Néologisme issu de la contraction des termes écologie et économie.

Philippe Potin
tél. 02 98 29 23 75
potin@sb-roscoff.fr

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