
Des biologistes et chimistes rennais ont créé de nouveaux antibiotiques. Ils ne provoquent pas de résistance chez les bactéries. L'enjeu de santé est mondial.
À leur découverte, les antibiotiques étaient une révolution. « Avant la pénicilline en 1928, la probabilité de mourir d’une infection après une chirurgie était très élevée », rappelle Brice Felden, directeur du laboratoire “ARN1 régu-lateurs bactériens et médecine” de l’Inserm2 à Rennes. « Les antibiotiques sont les médicaments qui ont sauvé le plus de vies. » Mais aujourd’hui, nous en consommons trop, environ 30 doses journalières pour mille habitants en France. Les antibiotiques tuent les bacté-ries, mais celles-ci sont capables de s’adapter et de devenir résistantes. En 2014, l’OMS3 a déclaré que la résistance croissante des bactéries aux médicaments est « l’une des plus grandes menaces pesant sur la santé mondiale. »
Infections graves
Brice Felden et son équipe ont mis au point des antibiotiques qui ne provoquent pas de résistance chez les bactéries visées. Leur étude très remarquée a été publiée en juillet4. Les biochimistes rennais se sont inspirés d’une toxine produite par le staphylocoque doré. Cette bactérie multi-résistante provoque des infections graves chez l’homme, presque impossibles à soigner faute d’antibiotique efficace.
C’est en 2011 que les biochimistes identifient cette toxine. « L’un des ARN que nous étudiions permet au staphylocoque de s’adapter au cours de l’infection et d’éliminer les autres bactéries. » C’est justement le rôle attendu pour un antibiotique. Mais, problème, la toxine s’attaque aussi à l’organisme. Il faut donc d’abord essayer de supprimer la toxicité de cette protéine.
Brice Felden fait appel à des chimistes de l’ISCR5. Ils se basent sur la protéine du staphylocoque pour en créer de nouvelles plus stables, inoffensives pour l’homme mais avec des capacités antibiotiques améliorées. « Nous avons créé une vingtaine de nouveaux peptides6. Trois d’entre eux ont des propriétés génialissimes ! Nous les avons testés sur une ribambelle de bactéries multi-résistantes. Les résultats sont parfois meilleurs qu’avec des antibiotiques déjà utilisés. »
Résultats très encourageants
Les scientifiques donnent ensuite les antibiotiques qu'ils ont crées à des souris présentant une septicémie7 ou une infection de la peau. Le résultat est très encourageant, la majorité des animaux survit. La dernière expérience consiste à remettre en culture les bactéries responsables des infections. Ces bactéries sont exposées une seconde fois aux nouveaux antibiotiques : elles ne développent aucune résistance ! Ces antibiotiques se révèlent très efficaces pour éliminer deux bactéries contre lesquelles la lutte est justement prioritaire8 : Pseudomonas aeruginosa et le staphylocoque doré. Celui-ci a été, en quelque sorte, retourné contre lui-même ! Il reste maintenant aux biochimistes à déterminer la bonne dose à injecter pour l’homme. Des essais cliniques pourraient débuter l’année prochaine. Algram, une start-up créée spécialement, produira ces antibiotiques.
Ajouter un commentaire