Lettre à une jeune personne de 16 ans (2)

Carte blanche

N° 380 - Publié le 5 avril 2020
Thermomètre
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Portrait Valérie Masson-Delmotte
Carte blanche
Valérie Masson-Delmotte
Paléoclimatologue au LSCE, coprésidente d'un groupe de travail du Giec.

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L'océan et la cryosphère, les parties gelées de notre planète, peuvent te sembler très lointains. Or, l’homme est dépendant de ces écosystèmes, qui ont un effet sur les conditions météorologiques et le climat, mais aussi sur la nourriture, l’eau, l’énergie, le commerce, notre santé, notre culture et notre identité. Ceci m’amène à te parler du dernier rapport spécial3 du Giec. Du sommet des montagnes jusqu'au fond de l'océan, les milieux subissent de plein fouet le changement climatique, à cause des activités humaines. Les conséquences sur la nature et l'humanité sont considérables. Notre rapport montre que si les émissions de gaz à effet de serre continuent à augmenter, le réchauffement de la planète modifiera radicalement l'état de l'océan et de la cryosphère. Les événements extrêmes de haut niveau de la mer, qui n'avaient lieu qu'une fois par siècle dans le passé, se produiront dans de nombreuses régions côtières, une fois par an d'ici 2050.

L'importance de l'éducation

Pour votre génération, la coopération sera particulièrement importante. Car les personnes les plus exposées et les plus vulnérables sont celles dont la capacité à agir est souvent plus réduite. Pour donner aux gouvernements les moyens d'aborder des transitions sans précédent, notre rapport fournit les meilleures connaissances scientifiques disponibles. Il est essentiel de les combiner avec les connaissances locales. Cela permettra de mieux gérer les risques liés au changement climatique et de renforcer la résilience. Le premier rapport du Giec souligne aussi l'importance de l'éducation pour améliorer la connaissance du climat.

Une action rapide et ambitieuse

Cher.e jeune ami.e, je t'avais à l'esprit quand notre rapport a été approuvé par tous les gouvernements. Voici sa dernière phrase : « Ce rapport souligne l'urgence de donner la priorité à une action rapide, ambitieuse, coordonnée et tenace. » Nous devons agir de toute urgence. Malgré les nouvelles connaissances, confirmant que nous sommes à l'origine du changement climatique, et trente ans d'évaluations du Giec, les émissions mondiales des gaz à effet de serre continuent à augmenter ! La fenêtre d'opportunité pour limiter le réchauffement se ferme rapidement avec l'augmentation des émissions. Si nous n'agissons pas aujourd'hui, le fardeau de votre génération s'alourdira. Vous devrez faire face à la perte irréversible d'écosystèmes. Pour gérer la crise, les options seront plus coûteuses et risquées.

Un grand défi à relever ensemble

Quel sera l'état de votre monde, de la biodiversité et de l'état de l'humanité dans un siècle, en 2120 ? Aurons-nous fortement réduit les émissions de gaz à effet de serre et amélioré le bien-être de tous, sans laisser personne derrière ?

Aurons-nous mis les connaissances, la sagesse et la science au service du progrès humain ? Cela dépendra de nos actions cette année, dans les années et les décennies à venir. En tant que scientifiques, nous devons revendiquer d'avoir une voix dans la vie de la cité, pour mettre la science au service des transformations de nos sociétés. Nous devons agir, de manière lucide et responsable, pour le plus grand défi à relever ensemble.

Cher.e jeune ami.e, je comprends votre impatience, je comprends votre appel à l'action. Parce qu'il s'agit de votre monde.

 

La version originale de ce texte a été écrite par Valérie Masson-Delmotte le 7 janvier, sur son compte Twitter. La première partie de cet extrait a été publiée dans Sciences Ouest n°379.

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