Comme un poison dans l’eau

Actualité

N° 380 - Publié le 8 avril 2020
JULIE LALLOUËT-GEFFROY
Pour leur enquête, les élèves ont visité la station de potabilisation de Rophémel, près de Rennes.

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Un article des élèves de seconde 3 du Lycée Emile-Zola, à Rennes.

Alors que le glyphosate fait la Une de l'actualité, à la station de potabilisation de Rophémel, près de Rennes, c'est le métolachlore qui bat des records : 14 fois plus présent que le glyphosate. Ce désherbant est utilisé dans la culture du maïs, qui sert à nourrir les vaches laitières.Avec l’initiative Terres de sources, la collectivité Eau du bassin rennais espère inciter les agriculteurs du bassin ver-sant à limiter leur pollution. Rendre l’eau potable reviendrait alors moins cher. Un rapport de l’Inra publié en mars 2019 montre qu’en réduisant de 50 % les pesticides dans les eaux de surface d’ici 2030, les coûts de potabilisation de l’eau diminueraient de… 3 %. Tout ça pour ça ?

Sauf que ces 3 % ne prennent pas en considération les économies pour notre santé. En plus de polluer l’eau, les pesticides s’attaquent aux agriculteurs, comme Christian Jouault, atteint d’un cancer de la prostate. Enfant, il aidait son père dans les champs, pendant que le tracteur épandait de l’atrazine, un herbicide. « Le maïs et le désert », c'est une phrase de son père qui l'a marqué, elle signifie qu'il n'y avait plus de "mauvaises plantes". Seul le maïs résistait. Aujourd’hui à la retraite, il se bat au côté du Collectif des victimes des pesticides de l’Ouest pour que la Mutualité so-ciale agricole, la sécurité sociale agricole, reconnaisse son cancer comme maladie professionnelle.

Biodiversité en déclin

Aujourd’hui, 70 % des légumes et 30 % des fruits consommés en France contiennent des résidus de pesticides, selon une étude de l’association Généra-tions futures, publiée en juin dernier. Les cours d’eau bretons sont également touchés. Les pesticides sont présents en trop grande quantité dans 87 %  d'entre eux selon l’Observatoire de l’environnement en Bretagne. Tous ces rési-dus se retrouvent dans notre corps, comme l’explique un article du Monde1. La faune ne se porte pas mieux. Plus de 75 % des insectes volants, 80 % des insectes terrestres et 30 % des oiseaux des champs ont disparu en quinze ans. En cause : la pollution causée par les pesticides2.

« Un écosystème en bonne santé nettoie, filtre et entretient, rappelle François Siorat, chef de projet du pôle biodiversité de l’Observatoire de l’environnement en Bretagne. On profite de ce système de nettoyage, c’est pour cela que l’on peut vivre sur Terre. » Mais la vision que l’homme a de la nature reste opportuniste. Et c’est bien le problème. « L’ensemble des foisonnements de vie, d’interactions entre les organismes vivants (animaux, végétaux), c’est la ma-trice qui fait que la Terre est viable. Elle est viable pour les animaux et aussi pour nous, car nous sommes des animaux ! On dépend totalement de cette matrice pour vivre. Une biodiversité en très mauvais état aura des conséquences sur l’agriculture, sur l’atmosphère, cela dépasse largement la question de l’eau potable. »

Autonomie agricole

La Bretagne, première région laitière de France, compte bon nombre d’éleveurs dépendants des laiteries et des prix qu’elles fixent. Dans la grande majorité des cas, ils sont également dépendants des intrants : des engrais, des pesticides et des semences. François Siorat rappelle : « S’il y a des pratiques agricoles intensives, c’est qu’il y a une demande des consommateurs. »

Marjolaine Appriou est éleveuse de vaches laitières à Talensac, à 25 km de Rennes. Elle fait partie de ces agricul-teurs qui vendent sur les marchés, en circuit court3. Cela crée un monde rural plus dynamique. Engagée dans l’initiative Terres de sources, elle réduit son impact écologique sur les cours d’eau en améliorant ses pratiques agricoles, mais aussi en refusant d’importer du soja d’Amérique du sud. En contrepartie, elle fixe ses prix et devient plus indépendante vis-à-vis de la laiterie.

Le consommateur y trouve aussi son compte. Il peut acheter des produits de bonne qualité, en les payant selon ses revenus. Tout est lié : les espaces de production, de consommation, l’économie, la biodiversité, notre santé, notre responsabilité dans les choix que nous faisons. Si on change un point de cette liste, tout cet équilibre est perturbé.

Notes

1. « Pesticides : des substances toxiques, invisibles et omniprésentes », Le Monde, 3 février 2016.
2. « Où sont passés les oiseaux des champs ? », Le journal du CNRS, 20 mars 2018.
3. Avec un intermédiaire maximum entre le producteur et le consommateur.

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