Réinventons une relation entre l’Homme et la nature

Carte blanche

N° 381 - Publié le 1 mai 2020
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Pierre Dubreuil
Carte blanche
Pierre Dubreuil
Directeur général de l'Office français de la biodiversité

Magazine

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Les études scientifiques se succèdent et montrent à quel point la biodiversité est une composante de notre santé. La dernière en date a été réalisée par les chercheurs de l'école de médecine vétérinaire de l'Université de Californie. À partir de 142 cas de zoonoses1 virales, elle montre que les rongeurs, primates et chauves-souris sont les hôtes de la majorité des virus transmis à l'Homme

(75,8 %). Les animaux domestiques sont porteurs de 50 % des zoonoses identifiées.

Après le Covid-19 et son cortège funèbre, combien de pandémies pourrons-nous éviter en respectant les écosystèmes naturels ? Et comment être en meilleure santé en nous intéressant de plus près à la biodiversité ? Nous savons que ce virus a touché l’Homme parce que nous n’avons pas su garder nos distances avec la faune sauvage. Au-delà des causes précises et du vecteur de propagation du Covid-19, sur lesquels la recherche se poursuit, la corrélation entre la dégradation de la biodiversité et la pandémie est avérée.

Le constat, rationnel et accablant, est connu et les experts scientifiques de l’IPBES2 l’ont documenté. La destruction accélérée des écosystèmes forestiers, et l’artificialisation des espaces naturels, repoussent la faune sauvage dans des espaces toujours plus réduits. Cela multiplie les risques de contacts entre l’animal et l’être humain. Ce cocktail devient explosif avec le commerce illégal florissant d’animaux sauvages, combiné à une mondialisation effrénée des échanges.

La même chaîne du vivant

Le moment est venu d’ouvrir les yeux sur l’interdépendance entre cet effondrement de la biodiversité, incontestable, et nos existences quotidiennes. De notre microbiote3 aux troupeaux d’éléphants, c’est la même chaîne du vivant dont l’homme, depuis des décennies, bouleverse le cycle et l’équilibre, alors que sa propre survie en dépend ! Comme si nous avions ignoré toutes les règles du jeu de notre existence sur cette planète, qui se résume à un mot clé : interdépendance.

Nous aurons appris de cette crise, si nous comprenons que notre santé et la qualité de notre alimentation dépendent des interactions et équilibres fragiles entre les vivants, humains et non humains sur Terre.

La condition de notre existence

J’entends souvent que l’homme a besoin de la nature. Mais il ne faut pas oublier que la nature, elle aussi, dépend de l’Homme. Notre comportement est souvent la cause directe ou indirecte des atteintes à la biodiversité. Mais l’Homme est aussi la seule solution. Nous sommes plus de sept milliards dans le monde. Nous n’avons plus le choix. Penser l’Homme sans la nature et la nature sans l’Homme conduit à l’impasse. L’Homme est partie intégrante de la nature : elle n’est pas seulement notre « environnement », mais la condition de notre existence.

La bonne nouvelle, c’est que nous avons encore notre destin entre les mains. Quand on diminue les pressions exercées sur la biodiversité, notamment l’artificialisation des terres et la pollution des milieux naturels, terrestres et aquatiques, on limite ou même on stoppe l’érosion de la biodiversité. On peut observer des améliorations très concrètes sur ces milieux.

Mais il est urgent d’en prendre tous conscience. Prenons la biodiversité au sérieux en réinventant notre place dans la nature. C'est la condition indispensable pour inverser la tendance et cesser de scier la branche, si fragile, de l’arbre du vivant sur laquelle notre espèce humaine est assise.

 

1. Maladie transmissible entre l'espèce humaine et les autres espèces de vertébrés. 

2. Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques.

3. Ensemble de micro-organismes, dont des milliards de bactéries, virus et champignons, qui vivent à l'intérieur du corps humain, notamment dans l'intestin.

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